Tchad : Succès Masra placé sous mandat de dépôt à la prison de Kléssoum
NDjamena, 21 mai 2025 – Cinq jours après une arrestation musclée à son domicile de N'Djamena, l'ancien Premier ministre et leader du parti Les Transformateurs, Dr Succès Masra, a été officiellement placé sous mandat de dépôt à la maison d'arrêt de Kléssoum. Cette décision, prise ce mercredi par un juge d'instruction, intervient dans le cadre d'une enquête ouverte pour incitation à la haine et à la révolte, des accusations liées à un audio largement relayé sur les réseaux sociaux à la suite des événements sanglants de Mandakao, dans la province du Logone Occidental.
Le 16 mai dernier, peu avant 6 heures du matin, une vidéo partagée par son parti montrait une dizaine d'hommes en tenue militaire pénétrant dans sa villa du quartier Gassi, dans le VIIe arrondissement de la capitale. Interpellé sans résistance, Masra avait été conduit vers une destination alors inconnue, avant d'être localisé dans les locaux de la Coordination de la police judiciaire où il a passé plusieurs jours avant son transfert au palais de justice ce mercredi.
Pour son audition officielle devant le procureur de la République, un imposant dispositif sécuritaire a été déployé aux abords du tribunal de N'Djamena. Des barrages filtrants ont été installés, et les abords du palais hermétiquement verrouillés, traduisant l'extrême tension autour de cette procédure hautement politique.
Selon les autorités tchadiennes, l'audio en cause constituerait un appel explicite à la haine intercommunautaire, dans un contexte marqué par des affrontements meurtriers à Mandakao, région déjà fragilisée par des tensions récurrentes. Une version fermement contestée par le parti Les Transformateurs, qui dénonce une cabale politique visant à "museler la voix de l'opposition dans une période critique pour la démocratie tchadienne".
Déjà figure emblématique de la contestation lors des manifestations d'octobre 2022, Masra n'a jamais cessé d'incarner une opposition frontale au régime du président Mahamat Idriss Déby Itno. Son bref passage à la primature, entre janvier et novembre 2024, s'était soldé par une démission fracassante, dénonçant une transition verrouillée.
Aujourd'hui derrière les barreaux, l'opposant emblématique devient une fois encore le centre d'une bataille politique et judiciaire dont l'issue reste incertaine. En attendant, ses avocats, qui dénoncent une arrestation arbitraire et des violations de procédure, s'apprêtent à déposer une demande de mise en liberté provisoire.