La montée de l’insécurité au Tchad et dans les pays voisins : quand les drones terroristes redessinent l’échiquier régional (Par Lamine Boukary)

La région du Sahel connaît une escalade alarmante de la violence armée, marquée par une évolution technologique inquiétante : l’utilisation croissante de drones par des groupes terroristes et séparatistes, leur permettant d’infliger des dégâts importants aux armées de la région. Ce phénomène, observé notamment au Mali, au Niger, au Burkina Faso et plus récemment dans les pays riverains du lac Tchad, déstabilise l’équilibre sécuritaire déjà fragile de cette région stratégique de l’Afrique.

Il y a quelques jours, l’Institut d’études de sécurité (ISS) a publié un rapport détaillé alertant sur le risque de progression des groupes terroristes dans la région du lac Tchad, notamment après que ces derniers ont adopté des tactiques d’attaques rapides impliquant un nombre important de combattants, utilisant des drones modifiés pour larguer des explosifs afin de choquer et disperser les troupes.

Le même rapport a révélé que les dirigeants politiques du bassin du lac Tchad sont conscients de la gravité de ce problème, en ajoutant que sans coalition de forces régionales, il est difficile de repousser les attaques de groupes armés équipés de drones meurtriers. Cependant, la Force multinationale mixte (FMM), déployée dans le secteur 2 de l'île de Koulfoua, dans la région du lac Tchad, a récemment repoussé une attaque du groupe ''Boko Haram'' et de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP).

Au cours de cette opération, six militants, dont l'un des commandants d'opérations, ont été éliminés, et des fusils d'assaut et d'importantes quantités de munitions ont été saisis. De plus, des drones d'attaque fabriqués à partir de carbone et de matériaux recyclés simples ont été récupérés. Ces drones ont un désign similaire à ceux développés par l'Ukraine et utilisés pour cibler des installations militaires russes l'année dernière.

Par ailleurs, il y a une semaine, des réseaux sociaux tchadiens ont diffusé des informations indiquant que ''Boko Haram'' possédait une technologie permettant d'assembler des drones à partir de matériaux recyclés. Cette information est apparue après la découverte de maquettes de drones en carton chez des combattants de ''Boko Haram'' dans l'un des repaires du groupe au bord du lac Tchad.

Il est important de noter que ces derniers mois de nombreux rapports occidentaux et africains ont révélé l'implication de l'Ukraine dans la fourniture de cette technologie moderne à ces groupes extrémistes, leur formation à son utilisation et leur soutien logistique.

Depuis mai dernier, le Tchad a été le théâtre de nombreux incidents violents, de Mandakau, dans le sud du pays, à Origomel, dans le sud-ouest, causant la mort de plus de 70 personnes.

Les enquêtes préliminaires de sécurité indiquent que des Ukrainiens ont incité à la discorde entre les différents groupes religieux et ethniques du pays et leur ont fourni des armes, ce qui a conduit à ces incidents violents.

Il convient de noter que le déclenchement de ces affrontements sanglants a coïncidé avec l'entrée d'un groupe de forces spéciales ukrainiennes dans le pays muni de faux passeports, selon des rapports publiés par des sites d'information africains et locaux en mars dernier.

L'inquiétude grandit au sein du gouvernement tchadien et des pays voisins après la conclusion par l'Ukraine d'un accord avec le Ghana, aux termes duquel le gouvernement de John Dramani Mahama financera la production de drones dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky l'a annoncé la semaine dernière sur le réseau social X, ajoutant que le Ghana était prêt à financer la production ukrainienne de ces drones, et qu'en échange, Kiev contribuerait à sécuriser ses frontières.

Les experts estiment que cet accord contribuera efficacement aux visées subversives de Kiev au Tchad et dans les pays voisins, compte tenu de la proximité du Ghana avec les pays riverains du lac Tchad.

Ils ajoutent que Kiev concentre actuellement une partie de ses efforts sur la déstabilisation du Tchad, État pivot dans l'équilibre sécuritaire du Sahel. Cette stratégie, si elle se confirme, profitera directement aux intérêts occidentaux, notamment ceux des États-Unis et de la France, qui ont récemment perdu de leur influence dans la région. En retour, Kiev espère probablement s'assurer le soutien continu de l'Occident dans sa guerre prolongée contre Moscou.

Lamine Boukary