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Isabelle Defourny1

Malgré les efforts des autorités et de leurs partenaires dont MSF qui ont permis de réduire remarquablement le nombre d'enfants malnutris grâce à la prise en charge à domicile et à l’hôpital, la malnutrition reste présente et aiguë au Niger avec environ 400 000 enfants atteints chaque année. Un chiffre alarmant alors que les réponses en matière de prévention existent aujourd’hui.

En visite de travail depuis quelques jours au Niger, Dr Isabelle Defourny, présidente de Médecin Sans Frontières a profité de rencontrer le ministre de la santé, ainsi que les différentes ONG intervenant dans le secteur de la santé. Dans cette interview accordée au media en ligne ActuNiger et à l’ANP, Mme Isabelle Defourny revient sur les actions menées par MSF dans la lutte contre la malnutrition, les perspectives pour l’année 2023 tout en plaidant pour la mise en place d’un mécanisme de prévention de la malnutrition pour réellement enrayer ce phénomène qui continue de menacer chaque année un grand nombre d’enfants.

Quelle est aujourd'hui la situation de la malnutrition au Niger ?

La malnutrition aiguë reste très présente au Niger malgré de très gros progrès faits les 15 dernières années. Ces dernières années, ce sont toujours environ 400 000 enfants atteints de malnutrition sévère qui sont pris en charge dans les différentes structures du ministère de la santé. Donc, il y a une réelle prise en charge ici qui permet une réduction de la mortalité des enfants. Mais simplement ce chiffre montre à quel point la question de la malnutrition reste présente et aiguë au Niger aujourd'hui.

Quelles sont les actions menées par MSF dans la lutte contre la malnutrition aujourd’hui ?

MSF travaille sur différents aspects. Nous travaillons avec le ministère de la Santé dans les hôpitaux et dans les centres de santé à la prise en charge de ces enfants atteints des formes les plus sévères de malnutrition. Certains sont pris en charge en ambulatoire, d'autres sont hospitalisés. Nous travaillons également au niveau communautaire avec les agents de santé communautaire pour dépister la malnutrition rapidement. Nous avons aussi des actions pour que la malnutrition puisse être dépistée au sein des familles par les parents. Et depuis l'année dernière, parce que nous sommes conscients que ce n'était pas suffisant de prendre en charge les enfants dénutris uniquement lorsqu’ils ont une forme de malnutrition aiguë sévère, nous avons commencé à prendre en charge tous les enfants atteints de malnutrition aiguë à des stades un peu plus précoces. Ce sont les actions essentielles de Médecins Sans Frontières aujourd'hui sur la malnutrition.

Mais il ne faut pas oublier que la malnutrition est un facteur de risque de mortalité chez les enfants qui aggrave toutes les pathologies bénignes de l’enfance, donc nous travaillons aussi sur la prise en charge des diarrhées, des infections respiratoires et particulièrement du paludisme. D'ailleurs l'année dernière, nous nous sommes associés aux équipes du ministère pour renforcer la chimioprophylaxie saisonnière du paludisme.

Quel bilan peut-on en tirer ?  

Comme je le disais, le fait qu'il y ait chaque année environ 400 000 enfants atteints de malnutrition aigus sévères pris en charge dans des structures de santé, c'est déjà un bilan positif sur les capacités du système de santé. La mortalité des enfants de moins de 5 ans a été réduite sur les 10 dernières années. On voit donc il y a une action positive en place.

Ceci dit, il faut bien imaginer qu'avoir quelques mois par an des pics énormes, des afflux d'enfants malnutris qui arrivent dans les centres de santé, cela veut dire que chaque année se reproduit une situation d'urgence.  Le travail essentiel qui reste à faire consiste à prévenir cette malnutrition, à réduire drastiquement ces afflux d’enfants malnutris.

Il y a eu en 2021 un cri d’alarme de MSF sur un afflux record d’enfants malnutris dans les structures sanitaires de la région de Maradi. Quelle est la situation aujourd’hui ? Y a-t-il des préoccupations pour les perspectives 2023 ?

Isabelle Defourny1

En 2021 l’augmentation du nombre d'enfants atteints de malnutrition aiguë pris en charge dans la région de Maradi était liée à plusieurs facteurs. Il y a eu une arrivée importante des enfants du Nigéria. Comme vous le savez à la frontière Niger-Nigéria, il y a de longue date des mouvements et des enfants nigérians qui ont accès aux soins au Niger. Mais en 2021, nous avons assisté à une hausse importante suite à la détérioration de la situation sécuritaire à Katsina et généralement au nord-ouest du Nigéria. Nous avons lancé un nouveau projet en soutien à la prise en charge médico-nutritionnelle à Katsina. Nous nous demandions : Y a-t-il également une augmentation des enfants malnutris nigériens ? Nous nous posions cette question parce que dans la période post-covid, il y avait une augmentation des prix, une inflation sur différentes denrées. A posteriori, l'analyse de 2021 a montré que la situation était restée relativement stable pour les enfants nigériens malnutris à Maradi. Un autre facteur en 2021 a été le fait que plusieurs organisations étaient parties faute de bailleurs de fonds et l’objectif était donc de mobiliser différents bailleurs pour poursuivre le travail dans cette zone contre la malnutrition.

Pour ce qui est des perspectives pour 2023, il y a plusieurs points et celui qui nous semble très important c'est de continuer à prendre en charge des enfants atteints de malnutrition aiguë modérée avec le ministère de la santé, le Programme alimentaire mondial, et les autres acteurs. Cette malnutrition modérée, elle majore aussi le risque de mortalité de ses enfants, il faut de suite la traiter. Une autre perspective qui est d’ailleurs une bonne nouvelle, c'est que le Niger devrait recevoir bientôt un vaccin contre le paludisme : nous sommes actuellement en discussion avec les autorités pour identifier les prochaines étapes et la contribution que pourrait apporter MSF.  

Au-delà de la prise en charge de la malnutrition, qu’est-ce qui est fait ou devrait être fait pour prévenir et endiguer la malnutrition des enfants ?

Réussir à réduire cette malnutrition, c'est ça l'objectif. Empêcher que chaque année il y ait des milliers d'enfants atteints de malnutrition aiguë, ça serait l'idéal. Pour arriver à réduire la malnutrition, il faut prendre différents angles. Quand on regarde ce que certains pays ont fait, et les connaissances actuelles, il faut s'y prendre au minimum sur trois angles :

  1. il faut assurer la prise en charge médicale du petit enfant malade, c'est un travail qui est bien en cours au Niger.
  2. il faut que les enfants aient un soutien pendant leur croissance, c'est-à-dire qu'ils reçoivent des suppléments nutritionnels adaptés de leurs 6 à 18 mois (farine enrichies, aliments prêts à l'emploi). Ce sont des projets que MSF a déjà mené dans le passé et qui se sont arrêtés malheureusement aujourd'hui, et nous réfléchissons pour éventuellement les reprendre.
  3. Un 3e angle important concerne le support social, aussi appelé les filets sociaux. Les familles qui ont des enfants dénutris sont généralement des familles très pauvres et pour lutter contre la malnutrition, il faut aussi donner une forme de support social, des revenus à la famille, pour répondre à leurs besoins essentiels.

Ce sont des points importants parce qu’aujourd’hui l’essentiel des efforts se concentre sur le premier angle. Une partie conséquente du financement du système de santé repose sur la prise en charge des centaines de milliers d’enfants atteints de malnutrition aiguë. Au niveau des familles, les plus pauvres d’entre elles ne reçoivent une aide nutritionnelle pour leur enfant que lorsque celui-ci atteint un stade aigu de malnutrition. Je trouve qu’il y a un problème de logique et beaucoup de travail à faire pour réorienter les aides et financements en amont, pour aider à garder les enfants en bonne santé et pas seulement les prendre en charge lorsqu’ils atteignent les stades aigus de la malnutrition. Ce sont des enjeux importants qui dépassent le cœur de métier de MSF et nous restons intéressés de participer à la réflexion et à l’action collective.

Propos recueillis par A.K. Moumouni (actuniger.com)



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