Niger : l’Agence de Développement Numérique (ADN) et SNV-Niger unissent leurs forces pour lancer Agrigarbal, la plateforme agricole unifiée issue d’AgriShop et GarbalKassoua
L’agriculture nigérienne franchit un cap décisif. Ce vendredi 26 septembre, à l’hôtel Bravia, l’Agence de Développement Numérique (ADN) et SNV-Niger ont lancé officiellement Agrigarbal, une plateforme unique issue de la fusion d’AgriShop et GarbalKassoua. Cette innovation promet de transformer l’accès des producteurs et éleveurs aux marchés, aux financements et aux services de conseil, ouvrant une nouvelle ère de digitalisation pour le secteur agricole et pastoral.
Le paysage des plateformes agricoles digitales au Niger, bien que dynamique, souffrait d’un émiettement contre-productif. La genèse d’Agrigarbal trouve sa source dans ce constat. Comme l’a souligné avec force M. Issouf Kabore, Représentant de SNV-Niger : « Durant la mise en œuvre de ses activités, SNV a constaté une multitude d’acteurs intervenant dans la digitalisation agricole avec moins de synergie d’action entre ses partenaires. Ce qui rend moins efficient l’impact recherché ». Un diagnostic sévère mais réaliste qui appelait une réponse audacieuse.
La philosophie de cette union a été résumée par M. BACHIR OUSSEINI Abdellah, Coordonnateur de Projets à l'Agence de Développement Numérique (ADN), par un proverbe évocateur : « Seul on va vite, mais ensemble on va plus loin ». Pour lui, cet événement est « un moment historique pour les plateformes e-commerce », marquant la fusion de deux initiatives majeures pour « donner naissance à une plateforme unique au service des producteurs et éleveurs du Niger ».
Une fusion historique pour l’écosystème agricole
En unissant leurs forces, l’ADN et SNV-Niger ambitionnent de proposer aux producteurs, éleveurs, agro-pasteurs et acteurs de la chaîne de valeur agricole un outil unique, centralisant services financiers, informations de marché, et conseils spécialisés.
Pour comprendre la portée de cette fusion, il faut revenir sur le parcours et les réalisations de chacune des plateformes.
www.garbalkassoua.com, lancé en 2024 dans le cadre du projet (Innovations Digitales pour les Agropasteurs du Niger (IDAN) financé par le Royaume des Pays-Bas, offrait déjà aux éleveurs et agro-pasteurs un accès inédit aux prix du bétail et du lait, aux intrants et aux services de conseil. De son côté, www.agrishop.ne, créé en 2023 par l’ADN avec l’appui de Swisscontact dans le cadre des programmes PROMEL et PEMIJ, financés par la Coopération Suisse et le Royaume des Pays-Bas s’était imposé comme une véritable vitrine digitale pour la commercialisation des produits agricoles. Son bilan, présenté par M. Wahidi RABIOU (Drecteur Général de l’ADN), est éloquent : plus de 58 500 utilisateurs, dont 44% de femmes, 900 marchands actifs, plus de 1 000 ventes enregistrées et 3 467 produits agricoles référencés. Une plateforme qui accompagnait déjà plus de 2 300 exploitants.
Avec www.agrigarbalshop.ne, les deux plateformes fusionnent pour donner naissance à une place de marché numérique intégrée, capable de répondre aux défis d’une agriculture moderne, connectée et inclusive.
Agrigarbal : Plus qu’une fusion, la création d’un écosystème intégré 360°
Concrètement, Agrigarbal n’est pas une simple cohabitation. Il s’agit d’une intégration profonde qui crée un écosystème cohérent et simplifié pour l’utilisateur final : l’agriculteur, l’éleveur, l’agropasteur.
« Garbal Kassoua et AgriShop deviennent une seule porte d'entrée pour faciliter l'accès sécurisé au marché », a détaillé M. Kabore, chef de programme chez SNV « Tattalin Arziki et AgriCash s'unissent pour offrir un chemin financier fluide et deviennent www.agrigarbalcash.ne ». Derrière cette simplification apparente se cache une robustesse accrue : « moins de doublons, des coûts de maintenance maîtrisés, des indicateurs consolidés pour décider plus vite et mieux. Nous passons d'outils juxtaposés à un écosystème intégré, conçu pour durer ».
L’ADN, avec son approche « 360° » couvrant le développement technologique, la formation et la gestion de projets, et SNV-Niger, avec son expertise de terrain et son focus sur l'inclusion, entendent ainsi centraliser l’ensemble des services agricoles sur une seule et même plateforme. L’objectif est clair : faciliter l’accès aux informations de marché (prix, disponibilités), aux ressources financières et aux services de conseil agricole.
Fusion des plateformes agricoles : Swisscontact et le gouvernement misent sur l’unité pour booster le secteur
Zazouli Datantan, chef du programme PROMEL chez Swisscontact, est intervenu en tant que témoin clé et partenaire historique. Financé par la Coopération suisse, Swisscontact avait déjà accompagné l’ADN dans la création d’AgriShop en 2023, une plateforme qui « suscite un intérêt croissant » et bénéficie d’améliorations constantes grâce à divers partenaires. Pour lui, la fusion célébrée est une étape décisive : « Cette cérémonie consacre l’union de deux plateformes de référence au service du secteur agricole. »
Mais son discours a dépassé le simple constat. M. Datantan a lancé un appel pressant à l’action collective : « Nous sommes là pour témoigner et exprimer notre engagement à poursuivre la collaboration. » Estimant que « la dispersion des initiatives limite leur efficacité », il a plaidé pour la mutualisation des efforts et salué « la qualité du partenariat » noué avec l’ADN, réaffirmant sa détermination à travailler « au bénéfice des producteurs et productrices ».
La réponse gouvernementale, portée par Falla Abdoulaye, directeur des statistiques au ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, a replacé l’enjeu au cœur de l’économie nationale : « Les 41 % du PIB que nous produisons, c’est grâce à nos vaillants producteurs ». Un chiffre martelé comme le socle de la stratégie publique.
Son intervention a pris des accents de feuille de route. Face à la prolifération des plateformes, il a jugé indispensable leur unification : « C’est une excellente idée. Le producteur sera moins perdu ». Agrigarbal s’inscrit ainsi dans une vision plus large, qui associe digitalisation, programmes structurants comme la Grande Irrigation « pour lequel le gouvernement s’est endetté » et le Programme Phare, élaboré avec les Nations Unies. M. Abdoulaye a cité les « deux années consécutives de stabilisation des prix agricoles », preuve selon lui de la cohérence des politiques mises en œuvre.
Son message final, sans détour, a résonné comme une exhortation : « Les 41 % du PIB, c’est vous, producteurs. Unifiez-vous, appropriez-vous ces outils et travaillez ensemble ».
Une feuille de route ambitieuse et des perspectives régionales
L’ambition d’Agrigarbal ne s’arrête pas aux frontières du Niger. La plateforme aspire à devenir un modèle pour l’ensemble de la région sahélienne, confrontée à des défis similaires de productivité, de résilience climatique et d’accès au marché.
La feuille de route dévoilée lors de l’atelier se veut résolument pragmatique : une phase pilote sera lancée dans cinq régions du Niger avec la formation d’équipes locales, tandis que les modalités de mise en œuvre des actions prioritaires pour une agriculture numérique inclusive seront définies. Enfin, la stratégie prévoit la consolidation des services existants avant une extension progressive à l’ensemble du territoire national.
Cette fusion, née d’un partenariat public-privé exemplaire, est plus qu’une avancée technologique. C’est un signal fort de la capacité du Niger à innover et à construire des solutions endogènes pour relever les défis de son développement. En unifiant leurs forces, l’ADN et SNV-Niger, avec l’appui de leurs partenaires, offrent aux acteurs du monde rural les outils digitaux dont ils ont besoin pour transformer leur quotidien et, in fine, participer à la souveraineté alimentaire et à la prospérité économique du pays. La révolution agritech nigérienne a trouvé son standard.
Moustapha Siddo (actuniger.com)
