Niamey : communautés et Cyber Gardiens au cœur d’une conférence régionale pour renforcer l’intégrité de l’information et la cohésion sociale au Sahel

Le Niger a accueilli ce vendredi, à l’hôtel Radisson Blu de Niamey, une conférence régionale de haut niveau sur le numérique et la cohésion sociale, placée sous le thème : « Rôle des communautés dans la co-construction des politiques publiques sur l’intégrité de l’information au Sahel : cas du Niger ». Organisée par le Ministère de la Communication et des Nouvelles Technologies de l’Information en partenariat avec Search for Common Ground, avec l’appui de Affaires Mondiales Canada et du programme Grassroot to Global financé par les Pays-Bas, cette rencontre a rassemblé régulateurs, médias, universitaires, influenceurs et acteurs de la société civile. L’objectif dépasse la simple lutte contre la désinformation : il s’agit de créer un espace de dialogue régional inclusif, où communautés et institutions travaillent main dans la main pour renforcer la gouvernance numérique, la cohésion sociale et la paix dans l’écosystème numérique sahélien.

La conférence régionale de haut niveau sur le numérique et la cohésion sociale a été officiellement inaugurée par le Ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Sidi Mohamed Almouhmoud. La cérémonie s’est déroulée en présence du Secrétaire Général du Ministère de la Communication et des Nouvelles Technologies de l’Information, de M. Soumana Ibrahim, représentant le Gouverneur de Niamey, de l’ambassadeur des Pays-Bas, S.E.M. André Carstens, de Mme Audry Shematsi, Directrice Pays de Search for Common Ground, ainsi que des Cyber Gardiens, véritables acteurs de la vigilance citoyenne et de la prévention de la désinformation.

Représentant le Gouverneur de Niamey, Soumana Ibrahim a planté le décor dans son mot de bienvenue. « Depuis son avènement, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) a inscrit la souveraineté et la sécurité du Niger au cœur de sa vision. Dans un monde où les menaces ne se limitent plus aux frontières physiques, le front numérique est devenu un espace de combat stratégique », a-t-il rappelé. Pour lui, la prolifération de la désinformation, des discours de haine et des rumeurs orchestrés par des acteurs malveillants constitue une menace directe à la cohésion sociale et à la stabilité des institutions. Face à cette réalité, le thème de la conférence illustre parfaitement les priorités du gouvernement de la Refondation : faire du cyberespace non pas une zone de turbulence mais un levier de dialogue, de développement et d’unité.

Le représentant du Gouverneur a également insisté sur le rôle central de l’autorité régionale dans la préservation de la paix et de la sécurité dans la capitale. Il a mis en avant deux priorités : instaurer une gouvernance participative de l’information qui place les citoyens – et particulièrement les jeunes – au cœur de la sécurité numérique, et renforcer la résilience communautaire à travers des initiatives locales telles que les Cyber Gardiens, véritables remparts contre la désinformation et relais des messages de paix.

Le numérique au service de la cohésion sociale

Prenant la parole, Mme Audry Shematsi, Directrice Pays de Search for Common Ground, a salué la vision du Ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies de l‘Information qui a confié la présidence de la rencontre au Ministre de la Jeunesse, symbole d’un partenariat intergénérationnel face aux défis numériques. Elle a rappelé que la mission centrale de son organisation est de bâtir un monde où les conflits se résolvent sans violence, et a insisté sur l’importance du contexte nigérien où le numérique peut être à la fois une menace et une opportunité.

À travers les projets Laafi-Kibaru, financé par Affaires Mondiales Canada, et Muryar Al Oumma, soutenu par le Royaume des Pays-Bas, Search for Common Ground a montré que le numérique peut devenir un puissant levier de paix. Mme Shematsi a mis en lumière le rôle décisif des jeunes – cyber-gardiens, ambassadeurs de la paix, influenceurs locaux et leaders associatifs – qui s’engagent quotidiennement contre la désinformation et transforment les réseaux sociaux en plateformes de vigilance citoyenne et de cohésion sociale.

Elle a souligné que cette conférence doit marquer un tournant : passer de la vigilance communautaire à une politique publique nationale sur l’intégrité de l’information ; transformer les projets pilotes en une vision stratégique régionale avec le Niger comme modèle ; et déplacer la lutte contre la désinformation vers un futur numérique construit sur la confiance, la vérité et la paix.

L’appui stratégique des Pays-Bas

Parmi les partenaires techniques et financiers présents, le Royaume des Pays-Bas a réaffirmé son engagement à accompagner le Niger dans sa quête d’un espace numérique sûr et inclusif. Dans son intervention, l’ambassadeur André Carstens a rappelé que son pays s’inscrit dans un processus de consolidation de la paix à long terme, axé sur l’innovation numérique, la cohésion sociale et l’égalité des sexes. « Depuis le début du programme Grassroot to Global en 2024, beaucoup a été réalisé », a-t-il affirmé, en citant plusieurs avancées concrètes.

L’ambassadeur a notamment mis en lumière trois contributions phares : l’appui au Ministère de la Communication dans la rédaction de la Stratégie nationale pour l’intégrité de l’information, considérée comme un jalon majeur de la lutte contre la désinformation ; la création de plateformes de plaidoyer multipartites à Maradi, Tahoua et Tillabéri pour garantir un accès équitable à la terre, notamment en faveur des femmes, des jeunes et des personnes handicapées ; et enfin, le soutien au plaidoyer national ayant abouti à un décret historique réservant 35% des terres aux groupes vulnérables, une mesure saluée comme un tournant pour l’équité et la justice sociale.

Selon lui, l’innovation du programme réside aussi dans l’implication directe des femmes et des jeunes formés à la médiation locale et aux stratégies numériques de consolidation de la paix, désormais considérés comme des médiateurs de l’intérieur capables de prévenir et de résoudre les conflits liés au climat, à la justice et aux questions de genre. « C’est une dynamique très prometteuse qui montre que la cohésion sociale ne se décrète pas, mais se construit au plus près des communautés », a insisté André Carstens, avant de rappeler que ce programme, engagé sur huit ans, est le plus long jamais soutenu par son pays au Niger.

L’intégrité de l’information comme priorité stratégique nationale

Dans son allocution d’ouverture, M. Sidi Mohamed Almouhmoud, Ministre de la Jeunesse et des Sports assurant l’intérim du Ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies de l’Information, a insisté sur le rôle vital de l’information, qui peut être « un outil de construction comme une arme de destruction ». Il a rappelé que le Sahel, déjà éprouvé par des défis sécuritaires, climatiques et sociaux, subit aussi les ravages de la désinformation, des rumeurs et des discours de haine, qui sapent la cohésion sociale et la confiance dans les institutions.

Il a appelé à une réponse collective, inclusive et ancrée dans les réalités locales, où l’État et les communautés – jeunesse, aînés, médias et société civile – forment une alliance solide contre ces menaces. Le représentant du gouvernement a souligné que, sous la conduite du Président de la République, le Général Abdourahmane Tiani, l’intégrité de l’information a été érigée en priorité stratégique nationale. Il a notamment cité l’ordonnance n°2011-22 portant charte d’accès à l’information publique et aux documents administratifs, garantissant aux journalistes, chercheurs, étudiants et citoyens un droit fondamental à l’accès à des informations fiables.

« L’intégrité de l’information au Sahel ne se décrète pas, elle se construit avec l’ensemble de la population », a-t-il lancé, appelant à une mobilisation générale pour faire du Niger non plus un simple consommateur d’information, mais un acteur maître de son récit national, fondé sur la vérité, la dignité et la souveraineté.

Par ces mots, M. Almouhmoud a officiellement ouvert les travaux, invitant les participants à produire des recommandations fortes pour consolider la cohésion sociale et renforcer la gouvernance numérique inclusive dans l’espace sahélien.

Vers une co-construction inclusive avec les communautés et les cyber gardiens

Au-delà des discours, la conférence a présenté des objectifs concrets et structurants, plaçant l'action et les résultats au cœur des débats. Elle a mis l'accent sur la valorisation et le partage des expériences locales et régionales réussies afin d'inspirer des solutions adaptées aux réalités sahéliennes, tout en formulant des propositions précises de régulation numérique et d'actions communautaires ancrées dans la gouvernance inclusive et la vision de la Refondation. La rencontre a également cherché à structurer une contribution régionale multipartite pour enrichir directement les travaux de la prochaine Conférence de l'UNESCO sur l'intégrité de l'information en Afrique de l'Ouest et au Sahel, tout en jetant les bases d'un mécanisme durable de coordination entre régulateurs, société civile, experts et plateformes numériques, garantissant le suivi effectif des initiatives adoptées.

L'agenda de la conférence a mis en lumière plusieurs moments clés. Les participants ont assisté à la présentation de l'impact des initiatives des Cyber Gardiens, véritables relais de vigilance citoyenne et de prévention de la désinformation. Le Panel 1, intitulé « De la rumeur à l'information vérifiée : comment les informations non vérifiées impactent les politiques publiques sur l'intégrité de l'information au Sahel ? », a réuni régulateurs, universités, organisations de la société civile et médias, suivi d'un débat interactif et de la restitution des échanges. Le Panel 2, « Intégrité de l'information et cohésion sociale : vers une co-construction entre États, société civile et communautés », a permis à des acteurs techniques, OSC, influenceurs, universités et partenaires de partager leurs perspectives, avant un débat interactif et la restitution des conclusions.

La conférence s'est conclue par une synthèse des travaux et des recommandations clés, traduisant les ambitions en résultats tangibles : l'instauration d'un espace de dialogue transnational inclusif, la documentation systématique des bonnes pratiques de lutte contre la désinformation et de promotion de la cohésion sociale, ainsi que l'élaboration d'un document de recommandations concrètes et contextualisées pour encadrer l'espace numérique et renforcer les actions communautaires.