Pétrole : les expatriés de la CNPCNP en poste depuis plus de 4 ans sommés de quitter le Niger

Niamey, 21 mai 2025 — Nouveau coup de tonnerre dans le secteur pétrolier nigérien. Par une correspondance au ton ferme datée de ce mercredi, le ministre du Pétrole, Dr. Sahabi Dumarou, a sommé la China National Petroleum Corporation Niger Petroleum (CNPCNP) de procéder à la résiliation immédiate des contrats de travail de tous les expatriés en poste depuis plus de quatre ans. Ces derniers sont désormais tenus de quitter le territoire nigérien d’ici au 31 mai 2025.

Dans cette lettre adressée au Président Directeur Général de la CNPCNP, le ministre fustige un « mépris » de la société chinoise à l’égard de la législation nigérienne, notamment l’ordonnance n°2024-34 du 2 août 2024 relative au contenu local dans le secteur extractif, ainsi que la loi n°2012-45 du 25 septembre 2012, portant Code du travail. Ces textes imposent notamment une limitation de la durée des missions des expatriés et promeuvent le recrutement et la montée en compétences des cadres locaux.

Une volonté politique affirmée de renforcer le contenu local

L’injonction du ministre s’inscrit dans une dynamique plus large engagée par les autorités de transition pour reprendre le contrôle national sur les ressources naturelles et favoriser l’emploi local. Le gouvernement nigérien reproche à plusieurs entreprises étrangères, dont la CNPCNP, de maintenir indéfiniment des expatriés à des postes stratégiques, au détriment de la main-d’œuvre nigérienne, en violation flagrante des textes en vigueur.

Cette décision vise donc à « faire respecter la souveraineté économique du Niger » et à accélérer le transfert de compétences aux Nigériens dans un secteur aussi stratégique que le pétrole.

Des griefs anciens, une fermeté nouvelle

Cette mise en demeure s’inscrit dans un bras de fer qui couvait depuis plusieurs mois entre les autorités nigériennes et la CNPC. Dès le Conseil des ministres du 18 mars, le gouvernement avait dénoncé des « subterfuges », une « appréciation fallacieuse des documents contractuels », et surtout une « absence de volonté réelle » de se conformer à la législation nationale de la part de la compagnie chinoise. En réponse, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a annoncé une batterie de mesures visant à rééquilibrer la collaboration avec la CNPC, dans un contexte où la souveraineté économique est devenue une priorité politique.

Parmi les mesures fortes annoncées par les autorités figuraient l’uniformisation des salaires entre expatriés et Nigériens, la « nigérisation » des postes stratégiques, la révision des principales conventions pétrolières, ainsi que l’exécution des sous-traitances par des entreprises locales, des clarifications exigées sur le financement du pipeline Niger-Bénin et l’ouverture du capital de la société WAPO à la partie nigérienne.

Dans la foulée, les autorités avaient aussi exigé la nomination de représentants nigériens à des postes de décision au sein de la CNPC, avec les mêmes droits et avantages que leurs homologues chinois.

Souveraineté économique

Ces décisions traduisent une réévaluation plus large des relations entre Niamey et Pékin, à un moment où la Chine est devenue l’un des partenaires économiques majeurs du Niger, surtout après la rupture avec plusieurs puissances occidentales à la suite du coup d’État du 26 juillet 2023. Elles visent à concrétiser une indépendance économique réelle, en assurant des retombées locales durables de l’exploitation pétrolière.

Le signal envoyé est fort. Il survient également dans un climat tendu, marqué par la fermeture, le 6 mars dernier, du Soluxe International Hotel de Niamey, propriété d’investisseurs chinois, dont la licence a été retirée pour infractions graves.

L’expulsion des expatriés pourrait ralentir certains projets pétroliers clés, notamment le pipeline Niger-Bénin, considéré comme l’un des axes stratégiques pour les exportations d’or noir nigérien. Mais pour les autorités, le message est clair : la souveraineté ne se négocie pas, même au prix de tensions avec des partenaires puissants.  La mesure pourrait avoir des répercussions majeures sur les activités de la CNPCNP au Niger, notamment sur le développement du pipeline d’exportation de pétrole brut vers le Bénin, projet phare de la coopération énergétique entre les deux pays.

Ibrahim Issa (actuniger.com)