Togo : Savi de Tové élu président honorifique, Faure Gnassingbé concentre les pouvoirs dans la Ve République
Le Togo a officiellement tourné la page de la IVe République ce samedi avec deux actes fondateurs : l'élection de Jean-Lucien Kwassi Savi de Tové à la présidence de la République et la désignation de Faure Gnassingbé comme nouveau chef de l’exécutif désormais intitulé « président du Conseil des ministres », véritable détenteur du pouvoir exécutif. Une transition constitutionnelle historique qui instaure un régime parlementaire, vivement contesté par l'opposition qui y voit une manœuvre pour pérenniser le pouvoir du clan Gnassingbé.
Lors d’une séance plénière du Congrès réunissant députés et sénateurs, Faure Gnassingbé a été désigné par les parlementaires, avant de prêter serment solennellement sur la Place des Fêtes, samedi 3 mai. Un moment hautement symbolique, en présence des plus hautes autorités de l’État, du corps diplomatique et d’un large public.
En parallèle, un président de la République honorifique a été élu à l’unanimité par le Congrès : Jean-Lucien Kwassi Savi de Tové, 86 ans, vétéran de la scène politique togolaise et ancien ministre. Il devient ainsi le premier président de la Ve République, avec pour mission de garantir l’unité nationale sans pouvoir exécutif.
Gnassingbé, président du Conseil : les pleins pouvoirs sans limitation de mandat
Faure Gnassingbé a prêté serment samedi comme président du Conseil, nouvelle fonction-clé qui lui confère l'ensemble des prérogatives exécutives. Élu sans opposition par les 150 parlementaires de l'UNIR (parti au pouvoir), l'héritier de la dynastie Gnassingbé conserve ainsi la mainmise sur l'appareil d'État, vingt ans après son accession au pouvoir. Le président du Conseil des ministres y devient la figure centrale de l’exécutif, avec des pouvoirs étendus : nomination du gouvernement, conduite de la politique nationale et coordination de l’action de l’État.
La nouvelle Constitution, adoptée en avril 2024 malgré les protestations, abolit la limitation des mandats présidentiels en vigueur depuis 2019. Un revirement qui permet à Gnassingbé, fils de l'ancien dictateur Eyadéma Gnassingbé (38 ans au pouvoir), de se maintenir indéfiniment aux commandes du pays sous une nouvelle casquette.
« Le régime parlementaire offre une meilleure séparation des pouvoirs », défend un député de la majorité, évoquant les modèles allemand ou italien. Pourtant, avec un Parlement dominé par l'UNIR et une opposition marginalisée, les observateurs doutent de l'équilibre promis.
Le duo improbable formé par le président honorifique Savi de Tové et l'omnipotent Gnassingbé ouvre un chapitre inédit de l'histoire togolaise. Entre modernisation affichée et perpétuation du pouvoir clanique, la Ve République devra rapidement prouver qu'elle n'est pas qu'un habillage constitutionnel pour une présidence à vie déguisée.