Reconnaissance de l'État de Palestine : la France franchit le rubicon diplomatique
À deux mois de l’Assemblée générale de l’ONU, Emmanuel Macron a tranché. Dans un message solennel publié sur son compte X à 22h38 (heure de Paris), le président de la République a annoncé que la France reconnaîtra officiellement l’État de Palestine en septembre prochain.
« Fidèle à son engagement historique pour une paix juste et durable au Proche-Orient, j’ai décidé que la France reconnaîtra l’État de Palestine. J’en ferai l’annonce solennelle à l’Assemblée générale des Nations unies, au mois de septembre prochain. L’urgence est aujourd’hui que cesse la guerre à Gaza et que la population civile soit secourue. La paix est possible », a déclaré Emmanuel Macron sur le réseau social X.
Une décision mûrie, repoussée, puis assumée
Cette reconnaissance, plusieurs fois évoquée ces derniers mois, avait initialement été prévue pour juin lors d’une conférence conjointe avec l’Arabie saoudite à New York. Mais l’irruption brutale du conflit Israël-Iran avait contraint Paris à suspendre sa déclaration. La France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, avait également hésité à faire cavalier seul, craignant de rompre un équilibre diplomatique fragile.
Mais la montée en intensité du conflit à Gaza, les milliers de morts civils, et le risque d’embrasement régional ont fini par forcer l’acte politique. Le chef de l’État a donc décidé de sauter le pas, avec une promesse : transformer cette reconnaissance en levier diplomatique. Il l’a réaffirmé dans une lettre transmise ce jeudi au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, lettre remise en main propre par le Consul de France à Jérusalem.
« Il faut enfin bâtir l’État de Palestine, assurer sa viabilité et permettre qu’en acceptant sa démilitarisation et en reconnaissant pleinement Israël, il participe à la sécurité de tous au Proche-Orient », a insisté Emmanuel Macron.
Une conférence internationale France-Arabie Saoudite en préparation
Paris ne compte pas se limiter à un geste symbolique. La France coprésidera avec Riyad une conférence internationale au niveau des chefs d’État et de gouvernement pour relancer la solution à deux États. Objectif : replacer la question palestinienne au cœur de l’agenda diplomatique mondial.
Dans la foulée de l’annonce présidentielle, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a réaffirmé l’engagement de la France. « Je confirmerai cet engagement à la tribune des Nations unies ce lundi », a-t-il écrit sur X. Il a précisé que la reconnaissance sera « pleine et entière ».
Réactions contrastées : applaudissements du Hamas, colère d’Israël
Le Hamas, mouvement islamiste au pouvoir à Gaza, a salué dans un communiqué une « étape positive » vers la reconnaissance des droits du peuple palestinien. À l’inverse, la réaction israélienne ne s’est pas fait attendre : le Premier ministre Benyamin Netanyahu a dénoncé une décision qui « récompense la terreur » et a accusé la France de compromettre les perspectives de paix.
Du côté de l’Autorité palestinienne, cette annonce est accueillie comme une victoire diplomatique. Ramallah espère qu’elle enclenchera une dynamique plus large en Europe. Jusqu’ici, seuls quelques États du continent — l’Espagne, l’Irlande, la Norvège, la Slovénie et Malte — ont reconnu la Palestine depuis le déclenchement de la guerre à Gaza.
Avec cette décision, la France devient la première nation du G7 à franchir ce seuil diplomatique. Sur les 193 États membres de l’ONU, 142 ont déjà reconnu l’État de Palestine. En revanche, les grandes puissances occidentales – États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Canada, Australie ou Japon – n’ont pas encore emboîté le pas. L’initiative française pourrait-elle les faire bouger ? Rien n’est moins sûr, mais le signal envoyé par Paris est fort.
Mohamed Cissé (actuniger.com)