Mort en détention d’Alino Faso à Abidjan : entre suicide et zones d'ombre
Une onde de choc secoue le Burkina Faso après l’annonce du décès d’Alain Christophe Traoré, alias Alino Faso, figure médiatique et activiste burkinabè, retrouvé mort par pendaison dans sa cellule à Abidjan. L’homme était détenu depuis janvier 2025 à l’École de Gendarmerie de la capitale ivoirienne pour des accusations lourdes d’espionnage et de complot contre l’État.
Dans un communiqué lu ce dimanche par le procureur de la République près le Tribunal de première instance d’Abidjan, les autorités judiciaires ivoiriennes confirment que le détenu a été découvert inanimé dans sa chambre le jeudi 24 juillet à 7h30. Selon le procureur, le médecin légiste requis sur place a conclu à un suicide par pendaison à l’aide d’un drap de lit, après une première tentative d’automutilation au poignet.
« Il ressort des conclusions du médecin légiste que Traoré Alain Christophe s’est pendu, après avoir tenté sans succès de s’ouvrir les veines », a déclaré le procureur, tout en annonçant l’ouverture d’une enquête pour déterminer les causes et les circonstances exactes du drame.
Arrêté le 10 janvier 2025, Alino Faso était poursuivi pour des faits graves, allant de l’intelligence avec des agents étrangers visant à compromettre la sécurité militaire et diplomatique de la Côte d’Ivoire, au complot contre l’autorité de l’État, en passant par la diffusion de fausses informations et la collecte de renseignements sensibles destinés à un pays tiers. Des accusations graves qui avaient alimenté un climat de méfiance entre Ouagadougou et Abidjan.
Si les autorités ivoiriennes évoquent clairement un suicide, plusieurs voix s’élèvent pour demander des explications plus détaillées. Ni la famille du défunt, ni l’ambassade du Burkina Faso à Abidjan, encore moins le gouvernement burkinabè, n’avaient été officiellement informés de son décès jusqu’à la lecture publique du communiqué, trois jours après les faits.
À Ouagadougou, l’émotion est palpable. Selon des sources diplomatiques, une réaction officielle des autorités burkinabè est attendue dans les prochaines heures. Le gouvernement pourrait réclamer une autopsie indépendante, ou même l’ouverture d’une enquête internationale.
Déjà en avril dernier, le Premier ministre burkinabè Jean Emmanuel Ouédraogo s’était exprimé sur l’affaire Alino Faso, en dénonçant ce qu’il qualifiait de manœuvre contre son pays : « Nous attendons toujours des explications. Mais j’ai le sentiment qu’il s’agit d’un écran de fumée visant à diaboliser notre pays », déclarait-il.
Cette disparition tragique intervient dans un contexte de relations glaciales entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. L’affaire pourrait relancer les tensions diplomatiques entre les deux pays, à l’heure où la sous-région est en pleine recomposition politique et sécuritaire, notamment autour de l’Alliance des États du Sahel (AES), à laquelle appartient le Burkina Faso.
Pour les proches de l’activiste, les interrogations persistent : un homme aussi suivi et politiquement exposé pouvait-il mettre fin à ses jours sans alerter aucun codétenu ni gardien ? Pourquoi avoir attendu plus de 72 heures pour rendre publique l'information ? Et surtout, quel rôle ont joué les conditions de détention dans ce geste fatal ?