Jeunes Champions pour la résilience climatique à Niamey : des jardins et des idées novatrices pour contribuer à transformer les communes, avec l’appui de Pathfinder International Niger

Au cœur de la commune 3 de Niamey, à Kaley Plateau Djama Koira, un jardin communautaire dans ce quartier de la capitale où le vent charrie le sable et la poussière, où les effets du changement climatique se lisent dans chaque mare stagnante et chaque parcelle de terre asséchée. Là se joue une bataille silencieuse mais essentielle : celle de la résilience face aux défis climatiques, sanitaires et d’inclusion de genre qui menacent l’avenir des communautés.
Dans ce combat, jeunes et anciens unissent leurs forces, alliant la fougue de la jeunesse à la sagesse des aînés pour impulser le changement. Cet endroit, autrefois terre aride, est devenu le symbole vibrant d’un engagement collectif : celui d’une jeunesse nigérienne résolue à agir et à mobiliser les communautés autour d’un avenir commun.
La terre s’est remise à vivre, retrouvant ses teintes et sa vitalité. Avec elle a germé une idée, à la fois simple et tenace : puiser dans les ressources locales pour inventer des solutions durables face au changement climatique et aux défis sanitaires des jeunes.
Cette transformation porte un nom : « Jeunes Champions pour la Résilience Climatique et la Santé de la Reproduction » mis en œuvre par Pathfinder International Niger. Ce programme, qui met l’accent sur un triptyque rarement abordé avec autant de cohérence (climat, genre et santé reproductive), incarne une ambition claire : faire des jeunes non pas des bénéficiaires, mais des acteurs de solutions durables face aux défis environnementaux, sanitaires et d’inclusion de genre.
Son pari audacieux : renforcer les compétences et le leadership des jeunes afin qu’ils conçoivent et défendent des solutions locales, adaptées aux vulnérabilités de leurs communes.
Un contexte de défis multiples, mais aussi d’opportunités
À l’instar du reste du Sahel, le Niger fait face aux aléas d’un climat devenu instable et extrême : sécheresses prolongées, inondations répétées, épuisement des sols et insécurité alimentaire mettent à rude épreuve des communautés déjà fragilisées, menaçant leur résilience et leur avenir. Dans ce contexte éprouvant, la jeunesse se trouve en première ligne, confrontée à des inégalités sociales persistantes, à un accès limité aux services de santé reproductive et aux effets directs du dérèglement climatique. Ce triple fardeau compromet leur bien-être et leur avenir.
Pour relever ce triple défi, Pathfinder International Niger a initié l’approche « Jeunes Champions Climatiques », une initiative audacieuse qui canalise la créativité, l’engagement et l’énergie des jeunes pour concevoir des solutions concrètes et durables pour leurs communautés.

« Notre objectif est simple mais ambitieux : faire des jeunes des catalyseurs du changement, capables de comprendre les effets du dérèglement climatique et d’y répondre de manière tangible », explique Mahamadou Hassane Abdoul Fatah, responsable de l’initiative " Jeunes Champions Climatiques ".
Depuis mai 2024, 22 jeunes leaders ont été formés sur un module intégré climat, santé reproductive et genre. Huit d’entre eux ont vu leurs projets financés et réalisés, donnant vie à des initiatives locales allant du reboisement à la création de jardins communautaires, en passant par des campagnes de sensibilisation sur l’hygiène et la santé.
À Niamey, vingt-six jeunes champions, accompagnés de 416 jeunes relais communautaires et plus de 2 000 membres de clubs, tissent un maillage solide pour faire bouger les lignes dans le 1er, 3e et 5e arrondissements. Chaque graine plantée, chaque atelier organisé, chaque campagne menée raconte déjà une histoire de transformation. Dans ces quartiers, l’engagement des jeunes n’est plus seulement une promesse : il devient un moteur de résilience et d’espoir pour tout un écosystème.
Quand la nature impose sa loi : les défis climatiques et sociaux à Niamey
À Kaley Plateau Djama Koira, Garba Sounna, chef de quartier, se souvient des jours d’avant : « Avant l’arrivée de ces jeunes, nous faisions face à des inondations récurrentes. L’eau stagnait, laissant derrière elle insalubrité et maladies. Le manque d’hygiène était criant, et nos jardins peinaient à produire. C’était une lutte constante, une source d’épuisement pour la communauté et particulièrement pour nos jeunes, qui voyaient leurs perspectives s’amenuiser ».

Des jeunes champions au cœur de Niamey : quand l’action devient solution
Face à ce tableau, Maïmouna Daouda, la vingtaine, avec un sens du concret qui force le respect, nous fait découvrir ce jardin, situé à Kaley Plateau Djama Koira. Sous le soleil, les rangées de laitues, de tomates et de pastèques s’étendent, témoignage vivant d’une volonté farouche. Le regard de la jeune championne, à la fois doux et déterminé, trahit une passion profonde.

« Ce qui m’a motivée, c’est mon amour pour la nature et mon engagement pour la protection de notre environnement », confie-t-elle en désignant fièrement les plants. « En discutant avec les habitants, nous avons identifié un besoin clair : avoir des jardins communautaires viables et productifs. C’est ainsi qu’avec l’appui de Pathfinder International Niger, nous avons lancé cette initiative ».
Avec le soutien du chef de quartier et l’appui technique du projet, Maïmouna et son équipe ont introduit de nouvelles espèces adaptées au climat local : laitue, tomate, pastèque, poivron, piment rouge.

« Ce jardin est une réponse directe aux effets du changement climatique. Il améliore la sécurité alimentaire, renforce la biodiversité et crée des espaces verts essentiels. Nous produisons des légumes bio, sains, sans engrais chimiques. Cela nous rend fiers, car nous consommons et vendons nos propres produits ».
Au-delà du maraîchage, Maïmouna assume un rôle de passeuse : « Au départ, beaucoup de jeunes ne faisaient pas le lien entre climat et santé. Grâce à la formation et au mentorat de Pathfinder, ils sont devenus des relais communautaires, conscients et actifs. Une partie des recettes assurera la continuité du projet après l’appui initial ».
Dans sa voix, on sent la certitude tranquille de celle qui voit déjà germer le changement. « Impliquer la jeunesse dans ces questions, c’est semer les graines d’un avenir meilleur ».
Parlant de la philosophie du programme, Dr Asma Yaroh Gali, Directrice pays de Pathfinder International Niger, a déclaré : « Notre pays a une population avec plus de 50 % des habitants âgés de moins de 15 ans. Investir dans les jeunes, c’est investir dans l’avenir. Nous plaçons désormais le climat et la jeunesse au cœur de notre stratégie de développement durable. Nos initiatives de résilience articulent climat, santé reproductive et autonomisation économique ».
« Les jeunes ne sont plus de simples bénéficiaires. Ils identifient les défis, proposent des solutions et améliorent leur cadre de vie. Leur engagement quotidien les éloigne de l’oisiveté, renforce leur confiance et leur permet de générer des revenus, un véritable cercle vertueux ».

Abdoulkarim (actuniger.com)





Commentaires
Egaliter et réconciliation.
Alain Soral.
La jeunesse burkinabè trace la voie de l’agriculture intelligente
Le Faso Digital poursuit sa mission de valorisation des talents et des innovations technologiques du Burkina Faso. Le jeudi 23 octobre 2025, la plateforme a accueilli un panel virtuel consacré à l’agriculture intelligente, une thématique d’une portée stratégique pour l’avenir du pays.
Diffusé sur Zoom, ce panel a réuni de jeunes entrepreneurs et ingénieurs engagés pour une transformation durable du monde agricole grâce aux technologies numériques.
A suivre
Modéré par Roland Tougma, doctorant en troisième année à l’université Joseph KI ZERBO et gérant de SILMA SAS, le panel a donné la parole à trois jeunes figures inspirantes : Nassiatou Savadogo, promotrice de la plateforme AgroLink, Innomibié Ibrahim Ouattara, spécialiste des systèmes d’information de marché agricole, et Tobouré Khaled Michel Zanré, ingénieur et créateur du projet AgriSage. Ensemble, ils ont exploré les opportunités et les défis d’une agriculture modernisée, connectée et inclusive.
Dans son mot introductif, Roland Tougma a rappelé que Le Faso Digital s’inscrit dans une dynamique d’innovation collective portée par les jeunes.
«Le numérique devient un levier de souveraineté et de développement durable », a-t-il déclaré, avant de souligner que « les nouvelles technologies doivent aider à mieux gérer nos ressources, à renforcer notre sécurité alimentaire et à valoriser nos savoirs locaux ».
Pour Roland Tougma, le numérique doit devenir un instrument de souveraineté et d’autonomie pour les acteurs du monde agricole
La rencontre s’est inscrite dans le contexte d’une Afrique cherchant à tirer parti de la révolution numérique pour réinventer ses pratiques agricoles.
« L’agriculture intelligente n’est pas un luxe, c’est une nécessité pour anticiper les crises climatiques et économiques. Elle permet de connecter la terre, les producteurs et les marchés dans une chaîne de valeurs efficace et équitable », a ajouté Roland Tougma.
AgroLink : une plateforme qui relie producteurs, transformateurs et acheteurs
Première à prendre la parole, Nassiatou Savadogo, étudiante en deuxième année d’économie et promotrice d’AgroLink, a partagé son ambition de rendre les marchés agricoles plus accessibles grâce au numérique. Sa plateforme met en relation directe les producteurs, les transformateurs et les acheteurs
afin de fluidifier les échanges et d’améliorer les revenus agricoles.
« Dans nos campagnes, les producteurs travaillent dur, mais ils manquent souvent d’accès à l’information et aux marchés. Nous avons voulu créer un outil qui les connecte directement aux acheteurs, tout en leur donnant des informations sur les prix, les périodes de forte demande et les possibilités de transport », a-t-elle expliqué.
Pour Nassiatou Savadogo, la clé du succès réside dans l’adaptation au contexte rural : « la technologie ne change rien si elle n’écoute pas la réalité locale. Notre défi, c’est de concevoir une solution qui parle aux producteurs, y compris ceux qui ne savent pas lire. Nous travaillons à intégrer un système vocal pour que les agriculteurs analphabètes puissent aussi utiliser AgroLink. »
« Si la technologie ne parle pas la langue des producteurs, elle reste un luxe », Nassiatou Savadogo, promotrice d’AgroLink
Cette approche inclusive a été saluée par Roland Tougma, qui y a vu « un bel exemple d’innovation citoyenne qui fait dialoguer les savoirs traditionnels et la modernité numérique ».
AgriSage : quand les objets connectés optimisent la production agricole
Le second intervenant, Tobouré Khaled Michel Zanré, ingénieur des travaux informatiques, a présenté son projet AgriSage, une solution d’agriculture de précision qui associe intelligence artificielle et objets connectés.
Grâce à des capteurs mesurant l’humidité, la température et la composition des sols, la plateforme fournit aux agriculteurs des recommandations personnalisées pour améliorer leurs rendements.
« L’intelligence artificielle permet de comprendre la terre et d’en révéler le potentiel caché.
Elle ne remplace pas l’expérience du cultivateur, elle vient la renforcer et la valoriser », a affirmé le jeune ingénieur, avant d’ajouter : « Notre ambition, c’est de bâtir des solutions conçues ici, avec des composants locaux, pour répondre à nos propres réalités. »
Tout en exposant la structure technique de sa solution, Khaled Zanré a plaidé pour un accès élargi aux données locales afin d’entraîner les modèles d’intelligence artificielle.
« J’ai approché des instituts nationaux pour obtenir des données, mais cela reste difficile. Nous devons encourager la mise en place de bases de données ouvertes et sécurisées sur l’agriculture burkinabè », a-t-il déploré.
Des systèmes d’information au cœur de la décision agricole
La troisième présentation, assurée par Joël Hyacinthe Traoré, ingénieur de conception informatique et promoteur de plateformes de marché comme SIMAgri et SIMABF, a permis d’élargir la réflexion.
a défini l’agriculture intelligente comme une approche globale combinant données, technologie et savoirs pour « faire plus avec moins ».
Pour Tobouré Khaled Michel Zanré, la souveraineté numérique commence par la maîtrise des données issues de nos propres champs
« L’objectif, c’est d’optimiser la production tout en préservant les ressources. Grâce aux données, nous pouvons anticiper les rendements, prévenir les maladies, ajuster l’irrigation et réduire les pertes post-récolte », a-t-il expliqué.
Joël Traoré a évoqué plusieurs applications déjà expérimentées au Burkina Faso :
collecte des prix des marchés agricoles, géolocalisation des stocks, prévision climatique, ou encore gestion logistique du transport et du stockage des denrées périssables.
Il a insisté sur le besoin d’un écosystème cohérent, associant acteurs publics et privés :
« Sans infrastructures numériques, sans énergie fiable, sans compétences
locales, la technologie ne peut rien. Il faut former, équiper et connecter », a-t-il martelé.
Et de renchérir : « Une agriculture intelligente ne doit pas être uniquement high-tech. Ce qui compte, c’est l’efficacité, pas la complexité. Une innovation simple et utile vaut mieux qu’un prototype inadapté. »
Savoirs locaux et innovation technologique : le mariage nécessaire
Les échanges avec le public ont enrichi le débat. Plusieurs participants ont insisté sur la nécessité de combiner innovation numérique et savoirs endogènes. L’un d’eux, Abba Bocoum, chercheur malien, a proposé la création d’un serveur sous-régional dédié à l’agriculture, de mutualiser les données et de renforcer la coopération entre pays sahéliens.
Roland Tougma a salué cette idée, rappelant que : « la souveraineté des données agricoles est essentielle pour que nos modèles d’intelligence artificielle reflètent nos réalités locales
Il a également souligné que « sans données fiables, la technologie reste aveugle ».
De son côté, Ibrahim Ouattara, spécialiste des systèmes d’information agricoles, a rappelé que « la donnée de marché est la boussole du producteur. Elle lui permet de savoir quoi produire, quand vendre et à quel prix ».
Les discussions ont aussi abordé les limites actuelles du numérique rural : connectivité insuffisante, coût élevé des capteurs, besoin de formation technique et risques liés à la dépendance technologique.
Joël Traoré a notamment expliqué que « pour les zones rurales éloignées, la technologie radio combinée à l’énergie solaire est la plus adaptée, car elle permet de collecter des données sans dépendre en permanence d’internet ».
Vers une agriculture intelligente et souveraine
Pour finir, Roland Tougma a remercié les intervenants et les participants pour la richesse des échanges.
Il a encouragé les jeunes porteurs d’initiatives à poursuivre leurs efforts pour faire du numérique un pilier de la souveraineté alimentaire du Burkina Faso.
« L’agriculture intelligente ne doit pas être perçue comme une mode technologique. C’est une voie vers une agriculture souveraine, durable et équitable. Ce n’est pas seulement une affaire de capteurs et d’algorithmes, c’est avant tout une histoire d’hommes, de femmes, de savoirs et de vision partagée », a-t-il conclu.
À travers ce panel, Le Faso Digital confirme son rôle de laboratoire d’idées et de vitrine de la créativité burkinabè, où la jeunesse conçoit les outils de son propre développement.
L’agriculture intelligente, telle qu’évoquée lors de cette session, se présente non seulement comme un levier économique, mais aussi comme un symbole d’indépendance, de dignité et de résilience face aux défis climatiques et au marché mondial.