« La période où l'on venait, on prenait et on partait est terminée », assène le Premier ministre nigérien au Forum de Dakar
À Dakar, lors de l’ouverture du Forum Invest in Senegal, le Premier ministre nigérien Ali Mahamane Lamine Zeine a lancé un message sans équivoque : l’époque de la prédation économique en Afrique est révolue. Dans un discours à la fois ferme et visionnaire, il a plaidé pour une Afrique souveraine, maîtresse de ses ressources et actrice de son propre développement. Entre hommage au Sénégal, manifeste politique et feuille de route économique, Lamine Zeine a incarné la voix d’un renouveau sahélien résolument tourné vers la dignité et l’autonomie du continent.
Une phrase lourde de sens : “Entrer en Afrique par le Sénégal”
Une phrase, simple et lourde de sens, a résonné dans le grand auditorium du Centre international de conférences Abdou Diouf de Dakar : « Entrer en Afrique par le Sénégal. »
Celui qui la prononce, Ali Mahamane Lamine Zeine, Premier ministre du Niger, laisse un silence s’installer, comme pour en savourer toute la portée historique. « C’est une très belle revanche sur l’histoire, c’est-à-dire sortir de l’Afrique par le Sénégal », poursuit-il.
Dans cette salle comble du Forum Invest in Senegal, le symbole est fort : le Premier ministre nigérien plante le décor d’un discours sans concession, à la fois plaidoyer pour un continent maître de son destin et feuille de route ambitieuse pour un Niger en pleine refondation.
Décision, confiance, action : le triptyque de la renaissance africaine
S’exprimant devant un parterre de dirigeants africains, d’investisseurs et de responsables économiques, Ali Mahamane Lamine Zeine a d’abord résumé l’esprit du forum en trois mots : décision, confiance et action.
« Nous avons aujourd’hui entre nos mains les leviers de décision pour transformer notre continent », a-t-il lancé, insistant sur la nécessité d’investissements productifs capables de générer une croissance durable et équitable.
Le Premier ministre a salué les réformes économiques en cours dans plusieurs pays africains, y voyant le signe d’une nouvelle ère de confiance entre États, investisseurs et populations. « Les réformes macroéconomiques en cours offrent de très belles opportunités pour tous ceux qui veulent investir sur le continent africain », a-t-il affirmé.
Mais, prévient-il, la confiance n’a de valeur que si elle se traduit en actes. « Nous vivons sur un continent qui regorge d’immenses potentialités. Il est temps que nous soyons les premiers à en bénéficier », a-t-il martelé, exhortant les acteurs africains à passer des discours à l’action.
La souveraineté retrouvée : “Zéro soldat étranger”
Abordant la situation interne du Niger, M. Zeine a évoqué un pays engagé depuis le 26 juillet 2023 — date de la prise de pouvoir du général Abdourahamane Tiani — dans un vaste chantier de refondation politique, économique et militaire.
« Beaucoup ont critiqué, beaucoup ont douté, mais cette équipe, formée de médecins, d’ingénieurs, de pilotes, conduit depuis deux ans et demi une réforme profonde, soutenue par tous ceux qui croient à la libération totale de notre pays et, au-delà, de notre continent », a-t-il souligné.
Revenant sur la rupture des accords militaires et économiques jugés déséquilibrés, il a défendu une position de souveraineté assumée : « Le Niger, c’est 1.267.000 km². Nous savons exactement où se trouvent les terroristes. (…) Mais toutes ces bases étrangères ne se rendaient jamais dans les zones réellement menacées. Alors, qu’étaient-elles venues faire ? »
Une question rhétorique à laquelle le général Tiani avait déjà répondu : « Vous devez ramasser vos affaires et partir de chez nous ».
Et M. Zeine de conclure : « Aujourd’hui, il n’y a pas un seul soldat étranger sur notre territoire. La doctrine de l’armée nigérienne, c’est zéro soldat étranger ».
Les leviers de la puissance : énergie et agriculture
Cette souveraineté retrouvée, le Niger entend désormais bâtir son avenir sur ses ressources nationales.
M. Zeine a dressé un panorama précis des atouts économiques du pays : énergie, agriculture et ressources minières.
« Notre pays dispose d’un territoire vaste et ensoleillé, d’importantes réserves d’eau souterraine, de gaz, de pétrole, de vent et d’un uranium désormais sous contrôle national », a-t-il énuméré.
Avec ces ressources pleinement maîtrisées, le Niger dispose de leviers essentiels pour son autosuffisance énergétique, le développement agricole et l’essor économique. Les progrès sont déjà tangibles : alors qu’il importait encore 75 à 80 % de son électricité il y a quelques mois, les sanctions — incluant notamment la coupure de courant — ont paradoxalement accéléré la marche vers l’autosuffisance. « À ce jour, nous importons moins de 30 %. L’objectif, c’est que d’ici un à deux ans, nous puissions couvrir entièrement nos besoins », a-t-il assuré.
Même dynamique dans l’agriculture : avec plus de 15 millions d’hectares de terres arables, la politique de grande irrigation mise en œuvre a permis au pays de se passer cette année d’aide alimentaire, évitant la traditionnelle « période de soudure ». « Par la grâce de Dieu, nous avons même constitué des réserves alimentaires », a-t-il ajouté.
La Confédération des États du Sahel : une conviction partagée
Pour M. Zeine, la prospérité du Niger ne peut être isolée de celle de ses voisins. Il a ainsi rappelé la création de la Confédération des États du Sahel (CES) avec le Mali et le Burkina Faso.
« Il ne faut pas voir ça comme des États qui veulent s'isoler, non. C’est une décision fondée sur la conviction d’un peuple qui dit : il faut arrêter, il faut briser la chaîne », a-t-il déclaré, sous les applaudissements.
Le message final du Premier ministre, adressé au monde économique, conjugue ouverture et fermeté. « Nous restons ouverts à tous ceux qui veulent venir investir. Le cadre légal et le code des investissements ont été revus pour offrir davantage de facilités. Mais le temps de l’Afrique passive est révolu. »
Et de conclure sur une phrase qui sonne comme un manifeste : « Ceux qui viennent investir doivent savoir que la période où l’on venait, on prenait et on partait, est terminée. »
Abdoulkarim (actuniger.com)
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