Niger : l'État nationalise la NIGELEC pour sauver le secteur électrique en crise
C’est une autre décision majeure pour la souveraineté économique du Niger. Lors du Conseil des Ministres tenu ce jeudi 19 juin 2025 sous la présidence du Général d’Armée Abdourahamane Tiani, Président de la République, le Gouvernement a adopté une ordonnance historique : la nationalisation de la Société Nigérienne d’Électricité (NIGELEC SA), au même titre que celle de la Société des Mines de l’Aïr (SOMAÏR), actée au cours de la même session. Une mesure forte qui consacre le retour de l’État aux commandes d’une entreprise jugée stratégique en proie à de graves difficultés financières malgré des investissements publics massifs.
Une entreprise stratégique, mais à genoux
Créée comme une Société Anonyme d’Économie Mixte, la NIGELEC assure la production, le transport et la distribution de l’électricité sur l’ensemble du territoire. Son capital social, évalué à plus de 76 milliards de francs CFA, était détenu à plus de 99 % par l’État, le reste étant réparti entre quelques actionnaires minoritaires : la SONIBANK, l’AFD, la BIA-Niger, certaines municipalités (Niamey, Zinder, Maradi, Tahoua) et même le personnel de l’entreprise.
Malgré cette forte prédominance publique, la société était restée gérée de manière autonome pendant plusieurs décennies, avec des tentatives de privatisation dans les années 1990 qui n’ont jamais abouti.
Un service défaillant malgré d’importants investissements
Le constat dressé par le Gouvernement est alarmant : déficit budgétaire chronique, perte de crédibilité auprès des bailleurs et investisseurs, inefficacité du service à la population malgré des milliards injectés dans sa relance. Pire encore, la société continuait d’accorder à son personnel des avantages jugés excessifs, tels qu’un abattement de 90 % sur leur propre consommation d’électricité, des primes spéciales, un treizième mois et divers acomptes exceptionnels, dans un contexte de tensions financières.
Des délestages devenus insoutenables pour les Nigériens
Mais au-delà des chiffres, ce sont les réalités vécues par la population qui ont poussé à l’action. Depuis plusieurs années, les Nigériens font face à des coupures d’électricité récurrentes dues à la forte dépendance énergétique du pays vis-à-vis du Nigeria. Une vulnérabilité mise à nu ces deux derniers mois, lorsque une panne du réseau électrique nigérian a plongé des centaines de milliers de foyers nigériens dans le noir, affectant écoles, hôpitaux, commerces et administrations.
Dans ce contexte, la nationalisation de la NIGELEC apparaît pour de nombreux citoyens comme un espoir de rupture avec cette instabilité chronique, dans l’espoir d’une politique énergétique plus souveraine, plus résiliente et plus adaptée aux besoins locaux.
Une reprise en main politique et stratégique
Pour les autorités, cette nationalisation vise à reprendre la pleine maîtrise de la politique énergétique, dans un secteur vital pour l’industrialisation, la compétitivité économique, mais aussi pour la cohésion sociale et la justice territoriale. Par cette mesure, l’ensemble des actions et du patrimoine de la NIGELEC sont transférés à l’État du Niger, désormais propriétaire exclusif de la société. Les anciens actionnaires recevront une indemnité compensatoire, conformément aux lois en vigueur.
Avec cette décision, le Conseil d’Administration de la NIGELEC est dissous, marquant la fin d’une ère et l’ouverture d’une nouvelle phase de gestion étatique. Le Gouvernement entend désormais orienter plus directement la stratégie énergétique du pays, améliorer la performance du secteur et garantir un accès plus équitable et durable à l’électricité pour les citoyens.
Après la nationalisation de la SOMAÏR, qui marque la reconquête du secteur stratégique de l’uranium, la reprise en main de la NIGELEC confirme une volonté claire du Gouvernement de reprendre le contrôle sur les leviers essentiels du développement national. Il s’agit désormais d’assurer une distribution équitable de l’électricité, d’investir dans des solutions locales de production, et de mettre fin à une dépendance énergétique externe qui pénalise lourdement les citoyens.
Le message des autorités est limpide : le Niger entend tourner la page d’un système déséquilibré, pour construire une économie plus souveraine, plus équitable, et mieux connectée aux attentes de sa population.
Abdoulkarim (actuniger.com)
Commentaires