Présidentielle en Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara officialise sa candidature à un « second mandat » sous la Troisième République, l’opposition dénonce un quatrième mandat illégal
Ni surprise sur le fond, mais coup de théâtre sur la forme. Ce mardi 29 juillet 2025, le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle prévue le 25 octobre prochain. À 83 ans, celui qui est au pouvoir depuis 2011 brigue ce qu’il qualifie de second mandat dans le cadre de la Troisième République née en 2016. Une lecture juridique que l’opposition rejette fermement, dénonçant un quatrième mandat illégal et une « confiscation du pouvoir ».
C’est par une allocution solennelle mais brève, diffusée à la mi-journée sur la télévision nationale, que le chef de l’État a mis fin à des semaines de spéculations. « Je suis candidat parce que la Constitution de notre pays m’autorise à faire un autre mandat et ma santé le permet. Je suis candidat parce que notre pays fait face à des défis sécuritaires, économiques et monétaires sans précédent, dont la gestion exige de l’expérience », a-t-il justifié dans un ton de fermeté.
Un faux suspense méthodiquement entretenu
Depuis le 22 juin, Alassane Ouattara avait laissé planer le doute. Lors d’un rassemblement du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), il promettait d’annoncer « dans les prochains jours » sa décision. Beaucoup s’attendaient à un discours le 6 août, comme en 2020. C’est finalement à la surprise générale, par une vidéo d’abord relayée sur les réseaux sociaux, puis confirmée à la télévision publique, qu’il a dévoilé sa candidature.
Ce timing n’est pas anodin : il intervient alors que plusieurs figures majeures de l’opposition ont été exclues de la course. Le 4 juin dernier, la liste électorale définitive a écarté quatre poids lourds : Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro, ce dernier étant en exil.
Une candidature sous tension politique
En mettant en avant l’argument de la stabilité dans un contexte régional tendu, Alassane Ouattara entend s’imposer comme le garant de la continuité. « Je veux que notre chère Côte d’Ivoire continue de demeurer un pays prospère, en paix et en sécurité », a-t-il insisté.
Mais pour l’opposition, cette nouvelle candidature n’a rien d’un simple prolongement constitutionnel. Elle incarne plutôt une dérive autocratique. « [Le président] ne veut pas quitter le pouvoir, comme tout bon dictateur qui se respecte », a fustigé l’opposant Guillaume Soro depuis l’étranger, à la tête du mouvement Générations et peuples solidaires (GPS). Le débat fait rage sur la légalité de cette candidature, certains juristes soulignant que si le mandat est techniquement le deuxième sous la Troisième République, il est bien le quatrième depuis l’arrivée au pouvoir de Ouattara en 2011.
Déjà en 2020, la révision constitutionnelle de 2016 avait suscité la controverse, en permettant un troisième mandat que l’opposition jugeait anticonstitutionnel. La présidentielle d’octobre prochain risque donc de réveiller les tensions, dans un pays encore marqué par les violences post-électorales de 2010-2011
Un enjeu crucial pour la démocratie ivoirienne
L’annonce d’Alassane Ouattara redistribue les cartes du jeu politique à moins de trois mois du scrutin. Pour ses partisans, elle incarne l’expérience et la stabilité. Pour ses adversaires, elle cristallise l’épuisement démocratique et l’exclusion politique. L’absence des figures historiques de l’opposition sur la ligne de départ, combinée à une lecture controversée de la Constitution, pourrait fortement affecter la crédibilité du scrutin.
À 83 ans, le président sortant engage ainsi une nouvelle bataille, celle de la légitimité démocratique dans une République fragilisée. Le compte à rebours est lancé, et le 25 octobre 2025 s’annonce comme une date à haut risque pour l’avenir institutionnel de la Côte d’Ivoire.
Ibrahim Issa (actuniger.com)
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