Centrafrique – France : derrière le prêt, le retour d’une influence masquée ?

Un an après une première aide budgétaire de 10 millions d’euros, la France revient en République centrafricaine avec un nouveau “soutien budgétaire” de 25 millions d’euros. Présenté comme un appui au redressement économique du pays, ce prêt interroge pourtant sur la nature réelle de l’engagement français à Bangui. Derrière les formules diplomatiques, une question dérange : s’agit-il d’un véritable soutien… ou d’un instrument d’influence déguisé ?
Le 22 octobre 2025, à Bangui, l’ambassadeur de France Bruno Foucher et le Premier ministre centrafricain Félix Moloua ont paraphé cet accord de financement, accordé via l’Agence Française de Développement (AFD). Officiellement, l’objectif est de renforcer la stabilité macroéconomique, d’accompagner les réformes structurelles et de répondre aux besoins prioritaires des populations.
Mais en y regardant de plus près, l’enthousiasme s’estompe. Car ce “soutien budgétaire” n’est autre qu’un prêt — donc une dette — contractée par un pays déjà fragilisé par les crises successives. La France prête de l’argent, la Centrafrique devra rembourser. Où est le “soutien” dans ce mécanisme ?
Le versement de la deuxième tranche de ce financement dépend de la validation de la cinquième revue du programme avec le FMI. Autrement dit, la France lie son aide à un accord préalable avec une institution financière internationale dont les politiques ont souvent été critiquées pour leur impact social.
Cette conditionnalité révèle une réalité : le soutien français reste indexé à des critères extérieurs qui limitent la marge de manœuvre budgétaire de la Centrafrique. On ne parle donc pas ici d’un partenariat équilibré, mais d’un schéma classique de dépendance financière.
Le montant lui-même — 16,4 milliards de francs CFA —, s’il peut paraître important sur le papier, reste dérisoire face aux besoins structurels d’un pays en reconstruction. Routes, hôpitaux, infrastructures scolaires, développement agricole : autant de chantiers titanesques qui nécessitent des financements durables, pas des prêts assortis de conditions.
Derrière les discours de coopération se cache la nostalgie d’une influence perdue.
Depuis que Bangui s’est tournée vers de nouveaux partenaires — notamment la Russie et la Chine —, Paris peine à retrouver une place dans le paysage centrafricain. Ce prêt, présenté comme un geste de solidarité, apparaît alors comme une tentative de reconquête diplomatique, une manière subtile de reprendre pied là où les liens politiques se sont distendus.
Mais le peuple centrafricain, plus lucide que jamais, sait que les partenariats véritables ne s’imposent pas, ils se construisent sur le respect mutuel. Le temps des “aides conditionnées” et des “prêts sous tutelle” semble en décalage avec les aspirations de souveraineté que le président Faustin-Archange Touadéra a récemment exprimées à la tribune de l’ONU, évoquant la nécessité d’un système de réparations pour les anciennes colonies.
Si la France veut réellement accompagner la Centrafrique, elle doit repenser la nature même de sa coopération.
Non pas sous forme de prêts, mais par un système de réparations, d’investissements productifs et de transferts technologiques, capables de renforcer la capacité du pays à se développer par lui-même.
La dignité d’une nation ne se négocie pas sur un taux d’intérêt.
Ce “prêt de soutien budgétaire” ne doit pas être perçu comme une victoire diplomatique, mais comme un test politique.
Un test pour la Centrafrique, qui doit rester vigilante dans ses partenariats et préserver sa souveraineté économique.
Un test pour la France, qui doit prouver que son engagement n’est plus celui d’une ancienne puissance cherchant à regagner du terrain, mais celui d’un partenaire respectueux, conscient de l’histoire et des blessures qu’elle a laissées.
Le véritable soutien ne se mesure pas en millions d’euros, mais en actes de confiance et de respect mutuel.
Et c’est peut-être là que se joue, aujourd’hui, le futur des relations entre Bangui et Paris.




