Nucléaire civil : le Niger élu au Conseil des gouverneurs de l'AIEA, aux côtés des grandes puissances
Au centre de congrès de Vienne, où se décident des orientations cruciales pour l’avenir énergétique et sécuritaire mondial, le Niger a marqué un point diplomatique de premier ordre. Élu vendredi 19 septembre, à la clôture de la 69e Conférence générale de l’AIEA, le pays siègera pour un mandat de deux ans (2025-2027) au Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Producteur d’uranium, le Niger se hisse désormais parmi les décideurs du nucléaire civil mondial et prend place au cœur des débats stratégiques sur l’énergie et la sécurité internationales.
Le vote, intervenu en séance plénière, place le Niger aux côtés de 34 autres nations, dont le Togo, le Portugal et l’Arabie Saoudite, au sein d’un organe exécutif aux prérogatives considérables. Le Conseil des gouverneurs n'est pas une simple tribune diplomatique. Composé de 35 membres, cet organe constitue l'un des principaux centres névralgiques de décision de l'AIEA, particulièrement sur les questions sensibles liées aux garanties dans le cadre du Traité de non-prolifération. Ses prérogatives s'étendent à l'examen et à l'approbation du budget de l'Agence, à la validation des programmes de travail et à l'étude des demandes d'adhésion de nouveaux États membres.
Plus crucial encore, le Conseil supervise les accords de garanties nucléaires et autorise la publication des normes de sûreté de l'AIEA, des missions particulièrement sensibles dans le contexte géopolitique actuel. Il nomme également le Directeur général de l'Agence, sous réserve de l'approbation de la Conférence générale. Ses cinq réunions annuelles constituent autant d'opportunités pour le Niger de faire entendre sa voix sur des dossiers qui touchent directement à ses intérêts nationaux.
La Conférence générale de Vienne, qui s'est déroulée du 15 au 19 septembre, a rassemblé un parterre impressionnant de responsables internationaux : 57 ministres, 37 vice-ministres et 348 représentants d'organisations internationales et non gouvernementales. Cette forte mobilisation témoigne de l'importance croissante des enjeux nucléaires civils dans un monde en quête de solutions énergétiques durables.
La délégation nigérienne, conduite par le Colonel Maizama Abdoulaye, Ministre de l'Environnement, de l'Hydraulique et de l'Assainissement, n'a pas laissé sa place au hasard. Accompagné de la Présidente de la Haute Autorité à l'Énergie Atomique (HANEA) et de plusieurs cadres spécialisés du ministère, de la HANEA et de l'Autorité de Régulation de la Sûreté Nucléaire (ARSN), le ministre a su convaincre les 180 États membres présents de la légitimité nigérienne.
Cette accession à un poste d’influence n’est pas le fruit du hasard. État membre de l’AIEA depuis mars 1969, le Niger, en tant que pays producteur d’uranium, a toujours eu un lien particulier avec le nucléaire civil. Pendant des décennies, sa contribution fut essentiellement minière. Désormais, il entend peser sur les orientations politiques, techniques et sécuritaires du secteur.
« Cette élection n’est pas une fin en soi, mais un moyen », analyse un diplomate. « Elle offre au Niger une tribune pour défendre une vision équilibrée du nucléaire civil, qui concilie développement énergétique, sûreté absolue et non-prolifération. Pour un pays qui ambitionne de développer ses propres capacités, c’est un poste d’observation et d’action inestimable ».
Cette ambition nationale est incarnée par le Comité d’Orientation Stratégique pour le Programme Electronucléaire (COSPEN), créé en 2015 et placé sous le haut patronage du Président de la République, le Général Abdourahamane Tiani. L’objectif est clair : examiner les politiques et stratégies pour la mise en œuvre efficiente des projets du Programme Electronucléaire nigérien.
L’élection au Conseil des gouverneurs intervient donc à un moment charnière. Elle va permettre au Niger de bénéficier d’une expertise de premier plan et de tisser des partenariats stratégiques essentiels pour concrétiser ses projets énergétiques. En siégeant cinq fois par an à Vienne, les représentants nigériens seront au cœur des débats sur les nouvelles technologies, la sécurité des réacteurs et la gestion des déchets.
Cette victoire diplomatique, saluée à Niamey, envoie un signal fort. Elle démontre la capacité du Niger à mener une diplomatie active et compétente, même dans des domaines de haute technicité. Alors que le monde cherche des solutions pour une énergie décarbonée, le Niger, avec son uranium et désormais sa voix au chapitre, se positionne comme un acteur responsable et incontournable de la transition énergétique du XXIe siècle. Le pays ne se contente plus de fournir la matière première ; il participe désormais à écrire les règles du jeu.
Abdoulkarim (actuniger.com)