New York : À l'ONU, le Niger expose sa feuille de route souveraine à Antonio Guterres

En marge de la 80e Assemblée générale des Nations Unies, le Premier ministre nigérien a présenté au Secrétaire général António Guterres les quatre piliers du développement national et réaffirmé l'engagement de l'Alliance des États du Sahel dans la lutte antiterroriste. Un entretien stratégique qui marque une nouvelle étape dans la diplomatie multilatérale du Niger.

Dans les couloirs du siège des Nations Unies à New York, Ali Mahaman Lamine Zeine, Premier ministre et ministre de l'Économie et des Finances de la République du Niger, a été reçu par António Guterres pour un entretien aux enjeux multiples. Cette audience, organisée en marge de la 80e session de l'Assemblée générale, témoigne de la volonté onusienne de maintenir le dialogue avec Niamey dans un contexte de recomposition géopolitique régionale.

D'emblée, le chef du gouvernement nigérien a placé l'échange sous le signe du respect mutuel, adressant ses "chaleureuses félicitations" au Secrétaire général pour le 80e anniversaire de l'organisation, qualifiée de "pilier incontournable du multilatéralisme". Un préambule diplomatique qui masque mal les enjeux sous-jacents de cette rencontre au sommet.

Une philosophie d'autonomisation assumée

Au cœur de l'entretien, Ali Mahaman Lamine Zeine a défendu la ligne directrice du gouvernement de transition : "Depuis l'avènement du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, le peuple nigérien a fait le choix courageux de prendre en main son destin en comptant d'abord sur ses propres ressources et capacités." Cette déclaration résume parfaitement l'orientation souverainiste qui guide l'action des autorités depuis juillet 2023.

Loin de signifier une rupture avec la coopération internationale, cette stratégie d'autonomisation s'accompagne d'un recalibrage des partenariats. Le Premier ministre s'est ainsi félicité que "la coopération entre le Niger et l'ONU s'est renforcée grâce à une meilleure harmonisation des projets onusiens avec nos priorités nationales". Une évolution qui suggère que Niamey est parvenu à infléchir l'orientation des programmes internationaux selon ses objectifs politiques.

Quatre chantiers structurants pour le développement

Ces priorités nationales s'articulent autour de quatre programmes stratégiques que le chef du gouvernement a détaillés devant son interlocuteur onusien. La gouvernance socio-économique constitue le premier pilier, visant à « promouvoir la transparence, l'efficacité institutionnelle et la bonne gestion des ressources publiques ». Une orientation qui répond directement aux critiques formulées contre l'ancien régime et matérialise la volonté de rupture affichée par le CNSP.

L'éducation et la formation figure en deuxième position, avec l'objectif ambitieux de « garantir un accès équitable à une éducation de qualité, notamment en faveur des filles et des zones rurales ». Un défi colossal dans un pays où la démographie galopante exerce une pression croissante sur des infrastructures scolaires déjà insuffisantes.

Le troisième axe concerne la jeunesse et l'employabilité, « en mettant l'accent sur la formation professionnelle, l'entrepreneuriat et la création d'opportunités économiques pour les jeunes ». Cette priorité révèle la conscience aiguë des autorités face au défi démographique nigérien, avec une population majoritairement jeune en quête d'avenir dans un contexte économique contraint.

Enfin, la souveraineté alimentaire clôt cette architecture programmatique, avec l'ambition de « renforcer la résilience de nos systèmes agricoles, développer la production locale et réduire notre dépendance aux importations ». Un objectif qui s'inscrit parfaitement dans la logique d'autonomisation économique prônée par le gouvernement de transition.

L'AES, pilier de la nouvelle architecture sécuritaire

Sur le volet sécuritaire, Ali Mahaman Lamine Zeine a réaffirmé "la détermination du Niger à lutter contre le terrorisme, aux côtés du Burkina Faso et du Mali, à travers la mutualisation de nos moyens militaires et de nos capacités de renseignement". Cette déclaration confirme la consolidation de l'Alliance des États du Sahel comme alternative régionale aux dispositifs sécuritaires internationaux traditionnels.

Cette approche sous-régionale marque une rupture significative avec la stratégie antérieure, qui s'appuyait largement sur les partenaires occidentaux et les forces internationales. Le Premier ministre défend ainsi une vision endogène de la sécurité, fondée sur la coopération entre pays voisins confrontés à des menaces similaires.

Un partenariat onusien renouvelé

L'un des points saillants de cet entretien réside dans la satisfaction exprimée par les autorités nigériennes concernant l'évolution de leur relation avec l'organisation internationale. Cette évolution témoigne de la capacité de Niamey à faire évoluer les programmes onusiens dans le sens de ses priorités nationales, tout en préservant les financements et l'expertise technique de l'ONU.

De son côté, António Guterres a exprimé « l'engagement renouvelé des Nations Unies à soutenir le Niger dans ses efforts pour relever les défis économiques, sociaux et sécuritaires, au bénéfice de notre peuple et de toute la région du Sahel ». Cette position pragmatique illustre la volonté de l'organisation de maintenir sa présence dans une région stratégique, malgré les bouleversements politiques survenus.

Cet entretien new-yorkais s'inscrit dans une stratégie plus large de normalisation diplomatique menée par les autorités nigériennes. Après des mois de tensions avec les partenaires occidentaux traditionnels, le Niger privilégie désormais une approche multilatérale qui lui permet de diversifier ses soutiens internationaux sans renoncer à ses orientations souverainistes.

Pour Ali Mahaman Lamine Zeine, cette audience représente une victoire diplomatique qui renforce la crédibilité du gouvernement de transition sur la scène internationale. Elle conforte également sa stratégie d'autonomisation nationale tout en préservant les canaux de coopération essentiels au développement du pays.