Sénégal-France : une commission conjointe pour organiser le départ des troupes françaises d’ici fin 2025

Le Sénégal et la France ont officiellement annoncé, ce mercredi, la création d’une commission conjointe chargée d’organiser le départ des troupes françaises stationnées sur le territoire sénégalais et la restitution des emprises militaires d’ici la fin de l’année 2025. Cette décision, saluée comme un tournant historique 64 ans après l’indépendance du Sénégal, s’inscrit dans un contexte plus large de réduction progressive de la présence militaire française en Afrique, marqué par une volonté croissante des États africains de reprendre en main leur souveraineté stratégique.

Cette annonce fait suite à la déclaration du président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, qui avait annoncé le 31 décembre 2024, lors de son discours de Nouvel An, la fermeture de toutes les bases militaires étrangères au Sénégal dès 2025. Le chef de l’État avait alors affirmé que la présence de bases militaires françaises sur le territoire sénégalais était « incompatible avec la souveraineté nationale ».
« Le Sénégal est un pays indépendant, c'est un pays souverain, et la souveraineté ne s'accommode pas de la présence de bases militaires étrangères dans un pays souverain », avait-il déclaré le 28 novembre 2024 dans un entretien avec l’AFP.

Selon le communiqué conjoint publié par le Ministère de l’Intégration Africaine et des Affaires Étrangères du Sénégal et le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères de la France, la commission conjointe aura pour mission de superviser un retrait « progressif et ordonné » des forces françaises. Les modalités pratiques, notamment la gestion des bases militaires et des infrastructures, seront définies dans les mois à venir pour garantir une transition en douceur.

Cette annonce intervient après plusieurs mois de discussions discrètes entre les deux capitales. Elle reflète une volonté commune d’éviter les tensions et de préserver les acquis d’une coopération militaire vieille de plusieurs décennies. Pour le Sénégal, il s’agit d’une étape symbolique vers une plus grande autonomie stratégique, tout en assurant une transition sécurisée.

Si le départ des troupes françaises marque une rupture avec le passé, Dakar et Paris insistent sur leur intention de maintenir une collaboration étroite. Les deux pays entendent élaborer un nouveau partenariat en matière de défense et de sécurité, adapté aux réalités géopolitiques actuelles et aux priorités stratégiques du Sénégal.

Ce nouveau cadre de coopération pourrait inclure des formations militaires, des échanges de renseignements et des opérations conjointes, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la piraterie maritime, des enjeux majeurs pour la région. Pour la France, il s’agit de réinventer son rôle en Afrique, en privilégiant des partenariats plus équilibrés et respectueux des souverainetés nationales.

Cette annonce s’inscrit dans une tendance régionale plus large. Après le Niger, le Mali, le Burkina Faso et récemment le Tchad, où les derniers soldats français ont quitté le territoire en janvier 2025, le Sénégal devient le dernier pays en date à redéfinir les termes de sa coopération militaire avec la France.

Ces mouvements illustrent une volonté croissante des États africains de prendre en main leur sécurité et de diversifier leurs alliances stratégiques. Pour le Sénégal, cette décision est également un moyen d’affirmer son leadership régional et sa capacité à naviguer dans un environnement géopolitique en pleine mutation.

Avec cette annonce, Dakar et Paris ouvrent un nouveau chapitre de leur relation, marqué par une dynamique de respect mutuel et de coopération rééquilibrée. Les prochains mois seront déterminants pour concrétiser cette vision, notamment à travers les travaux de la commission conjointe et la mise en place du nouveau partenariat de défense.
Pour le Sénégal, cette évolution représente à la fois une opportunité et un défi. Opportunité de renforcer sa souveraineté et son autonomie stratégique, mais aussi défi de maintenir une stabilité sécuritaire dans une région confrontée à des menaces complexes.

Ibrahim Issa (actuniger.com)