Niamey accueille la première Rencontre Culturelle Internationale sur la langue et la culture Sonay-Zarma-Dandi : un plaidoyer pour l’unité, la paix et la souveraineté au Sahel
La grande salle du Centre de Conférences Mahatma Gandhi a vibré ce jeudi 7 août 2025 au rythme des chants, des couleurs et des symboles venus des quatre coins du Sahel, marquant l’ouverture officielle de la toute première édition de la Rencontre Culturelle Internationale (RECI). Placée sous le haut patronage de Son Excellence le Général d’Armée Abdourahamane Tiani, Président de la République et Chef de l’État, cette rencontre, qui se tient du 7 au 10 août 2025, est dédiée aux langues et cultures Sonay-Zarma-Dandi ainsi qu’aux alliances traditionnelles de cousinage à plaisanterie.
C’est le Premier ministre, M. Ali Mahaman Lamine Zeine, qui a présidé la cérémonie d’ouverture dans une salle archicomble, où l’affluence exceptionnelle a même conduit à limiter l’accès. Parmi les invités figuraient des membres du CNSP, des ministres du gouvernement, des personnalités coutumières et religieuses, ainsi que des sommités scientifiques. La délégation comprenait également des invités venus de 15 pays, dont plusieurs nations européennes comme l’Allemagne et la France, sans oublier une forte représentation de la diaspora sonay-zarma-dandi. On remarquait également la présence des anciens chefs d’État Mahamane Ousmane et Salou Djibo, ainsi que des anciens présidents de l’Assemblée nationale, Seini Omar et Ousseini Tini.
Prévue initialement en 2020, cette première édition de la RECI affiche une ambition majeure : contribuer à la construction d’une culture de paix durable, aussi bien au niveau local qu’intracommunautaire et transfrontalier. L’objectif principal est clair : promouvoir la langue et la culture Sonay-Zarma-Dandi, ainsi que les pratiques ancestrales de parenté à plaisanterie, reconnues comme des leviers puissants d’intégration, de cohésion sociale et de souveraineté culturelle au Sahel.
Les objectifs spécifiques de cette rencontre visent à décomplexer l’usage des langues et des valeurs endogènes pour en faire des outils modernes de communication, de science et d’apprentissage ; à valoriser la parenté à plaisanterie, pilier des traditions séculaires, tout en approfondissant les liens intercommunautaires encore méconnus ; à favoriser la paix au Sahel en renforçant solidarité, tolérance et respect entre les communautés partageant un même territoire ; à revitaliser les savoirs et pratiques ancestrales en encourageant la transcription et la préservation des traditions orales menacées ; enfin, à stimuler la production littéraire et l’enseignement de ces langues nationales afin d’assurer leur rayonnement et leur pérennité.
Héritage Sonay-Zarma-Dandi : une langue et une culture au cœur de la paix et de la cohésion régionale au Sahel
Ouvrant la série d’interventions, le Gouverneur de la région de Niamey, le Général de division Assoumane Abdou Harouna, a souhaité la bienvenue aux participants au nom des populations locales et des plus hautes autorités du Niger, dont le Président de la République, le Premier ministre et le CNSP. Dans son intervention, il a rappelé l’héritage historique des peuples Sonay-Zarma-Dandi au sein des grands empires d’Afrique de l’Ouest, leur parenté à plaisanterie avec d’autres communautés, et l’importance stratégique de la langue Sonay-Zarma-Dandi, désormais reconnue par l’Union africaine comme langue de travail. Il a souligné que cette édition, axée sur le thème « La langue Sonay-Zarma-Dandi et parenté à plaisanteries, facteur de cohésion sociale, de souveraineté culturelle et de recherche de la paix », combinera colloques scientifiques, forums de leaders traditionnels, de jeunes, de femmes et de communicateurs, afin de produire des résolutions destinées à renforcer l’unité, la paix et la fraternité au sein de l’AES et au-delà.
Souveraineté culturelle et cohésion sociale : la langue Sonay-Zarma-Dandi au cœur de la paix et du développement au Sahel
Prenant la parole juste après, le président du comité d’organisation, PhD Mamoudou Djibo, a tenu à exprimer sa gratitude aux plus hautes autorités nigériennes. « De prime abord, je me dois, au nom de l'ensemble des membres du comité, de remercier et féliciter Son Excellence le Général d'Armée Abdourahamane Tiani, Président de la République, pour avoir accepté de placer sous son haut parrainage la présente rencontre », a-t-il déclaré, saluant également le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine pour avoir accepté de présider la cérémonie “malgré un agenda extrêmement chargé”.
Le chercheur a rappelé que l’événement était attendu “depuis 2020” et a rendu hommage aux multiples soutiens institutionnels, privés et à la diaspora Sonay-Zarma-Dandi, cette dernière ayant contribué “pour plus du tiers au budget de l’organisation”.
Au cœur de son discours, Mamoudou Djibo a défendu la place centrale de la langue comme socle identitaire : « La langue est à la fois la bouche et l’oreille du peuple… Elle véhicule les traditions, forge et exprime l’identité d’un peuple dont la survie intellectuelle dépend de sa pratique et de son enrichissement permanent. »
Alertant sur les menaces pesant sur les langues africaines, “marginalisées par les assimilations coloniales et aujourd’hui confrontées à la mondialisation et à l’urbanisation”, il a mis en garde : « La disparition d’une langue entraîne fatalement l’extinction de sa culture, donc de sa civilisation ».
L’orateur a insisté sur l’importance de la parenté à plaisanterie comme vecteur de cohésion sociale entre les Sonay-Zarma-Dandi et leurs communautés alliées (Touaregs, Gourmantchés, Dogons, Peuls, Buduma…). L’événement vise à “revitaliser nos patrimoines culturels matériels et immatériels, renforcer les liens communautaires et contribuer à la paix au Sahel”.
Il a aussi évoqué la dimension sécuritaire, déplorant “une agression imposée à notre pays” et appelant à faire “de chaque citoyen nigérien un soldat de la République, prêt au sacrifice pour défendre la patrie”.
Les objectifs de la rencontre incluent la promotion de la langue Sonay-Zarma-Dandi comme outil moderne de communication, la valorisation des savoirs oraux, l’encouragement à la production littéraire et la recherche de parentés intercommunautaires encore inconnues. « Notre ambition est de faire de cette rencontre un catalyseur de la souveraineté culturelle, socle de toute autre souveraineté. »
le Premier ministre appelle à renouer avec les vraies valeurs des peuples libres et souverains
Lors de son allocution, le chef du gouvernement a marqué les esprits en observant que « lorsque l’on suivait le défilé des personnes avec leur accoutrement, je suis presque convaincu que 95 % d’entre elles ne pouvaient dire d’où provenaient les uns et les autres ». Une réalité qu’il attribue aux séquelles du colonialisme : « le colonisateur est venu tirer un trait pour séparer des populations qui sont finalement les mêmes ».
Mais aujourd’hui, a-t-il affirmé, grâce à « la sagacité de nos trois chefs d’État » et au soutien des peuples de l’Alliance des États du Sahel (AES), « nous voilà en train de tracer ce chemin qui nous replonge dans nos vraies valeurs, c’est-à-dire des peuples libres et souverains ».
Saluant la présence des anciens chefs d’État, des autorités nationales, des leaders traditionnels, du corps diplomatique et des forces de défense, il a souhaité la bienvenue à tous « à Niamey, beaucoup béni », tout en rappelant l’héritage des précédentes rencontres, notamment celle de Ouagadougou en 2019. Il a également transmis les salutations du Président de la République, le Général Abdourahamane Tiani, porteur de « ses meilleurs vœux de succès pour cet événement ».
Ali Mahaman Lamine Zeine a replacé la RECI dans le contexte des transformations profondes que vit la sous-région : « Les peuples ont décidé de prendre en main leur destin par la conquête de leur souveraineté », a-t-il souligné, saluant l’engagement du Général d’armée Assimi Goita (Mali), du Capitaine Ibrahim Traoré (Burkina Faso) et du Général Abdourahamane Tiani (Niger) à la tête de cette dynamique libératrice.
Avec la devise « Un espace, un peuple et un destin », la Confédération de l’AES affiche son ouverture à de nouveaux membres et défend l’idée que « la diversité linguistique et culturelle est une grande source d’unité, de cohésion et de progrès ». Le Premier ministre a prévenu : « Nous devons refuser systématiquement que cette richesse soit utilisée, comme par le passé, comme un instrument antagoniste pour nous opposer, nous affaiblir et nous asservir ».
Parmi les valeurs mises en avant, il a accordé une place particulière à la parenté à plaisanterie, ce lien ancestral qui « rapproche les communautés ». Citant l’exemple du sultan du Gobir parlant de Mourkoutou, il a rappelé que ce thème figurait au cœur des travaux de la rencontre : « C’est une grande valeur culturelle sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour consolider la paix dans notre espace ».
En conclusion, le Premier ministre a lancé un appel vibrant à bannir le sectarisme et le chauvinisme, « poisons dont nous devons absolument nous éloigner pour reconstruire notre unité et accéder au bonheur auquel tous les peuples ont légitimement droit ».
La cérémonie de lancement de cette première édition haute en couleurs a été ponctuée par de nombreuses animations assurées par des troupes culturelles et des intermèdes vivants. Officiels et public ont également pu admirer un défilé de costumes traditionnels emblématiques : des communautés Songhai et Zarma du Niger, un couple Dandi du Niger, un couple Songhai du Burkina Faso, ainsi que la communauté Songhai du Mali ont fièrement présenté leurs tenues ancestrales, témoignant de la richesse culturelle transfrontalière du Sahel.
La RECI se présente ainsi comme un carrefour culturel incontournable pour la renaissance identitaire et la consolidation de la paix dans une région confrontée à de multiples défis sécuritaires et sociaux. Par cette initiative, le Niger et ses partenaires souhaitent redonner voix et place à des langues et cultures millénaires, garantes d’une coexistence pacifique et d’une intégration régionale renforcée.
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