Nafissa Sadjo

Nafissa Sadjo est âgée de 18 ans. Originaire de la région de l’Extrême-nord du Cameroun, elle a été mariée lorsqu’elle avait 14 ans, à Salihou, un nigérian de 30 ans, habitant du village Ngoza au Nigéria. 

C’est dans ce village, où elle a vécu pendant presque 4 ans avec son époux, que les hommes d’Abubakar Shekau ont attaqué au petit matin de la fête de laTabaski de 2014. Par miracle, elle a eu la vie sauve, et a réussi à prendre la fuite quelques semaines plus tard pour se réfugier auprès de sa famille, au quartier Domayo de Maroua-Cameroun, où elle vit, depuis bientôt 10 mois.

C’est le jeudi 28 mai,-grâce au concours de l’Ong que dirige Mariviza, et qui vient en aide aux personnes déplacées et victimes des atrocités de la secte Boko Haram-, que KOACI, l’a rencontrée. Elle a raconté comment Aboubakar Shekau et ses hommes ont, attaqué son village, massacré les habitants, décapité «méthodiquement», certains d’entre eux, arraché leurs organes vitaux, les ont fait cuire, avant de les manger.

« Tout a commencé au petit matin de la fête de la Tabaski, de 2014. Les combattants de Boko Haram sont entrés dans notre village en tirant en l’air. Ils ont annoncé sur la place du marché leur intention de tuer tous les hommes, d’épargner les femmes pour en faire leurs épouses. Tout le monde se cachait. Les premiers hommes ont été tués à l’arme à feu, ou égorgés, au couteau, à la machette, ou à la hache. Mon mari et son voisin sont allés se réfugier dans le plafond de notre maison. D’autres hommes ont pu fuir », raconte en haoussa-langue locale- Nassifa Sadjo.

Les éléments deBoko Haram se sont installés dans le village de Ngoza, « pendant plusieurs jours, des corps sans têtes sont restés abandonnés. Les têtes pendaient sur les murs de la chefferie que les éléments de Boko Haram, avaient décidé d’occuper. Les corps, laissés sur les routes dégageaient une odeur pestilentielle, et les femmes étaient obligées de les enfouir, pour leur donner une sépulture. Mon mari et son voisin, toujours informés par moi, de la présence des éléments de Boko Haram,-qui cassaient et pillaient les boutiques abandonnées par les fuyards, pour en donner le contenu aux femmes qu’ils entretenaient, dans l’optique du mariage-, sont restés cachés près d’une semaine sous le plafond-. Pris d’un besoin naturel, notre voisin est descendu du plafond pour aller aux toilettes et c’est là-bas qu’on l’a entendu tousser. Il a été capturé. Ils l’ont égorgé, décapité, arraché le cœur, -sous mes yeux comme pour me punir de l’avoir protégé», ajoute la jeune dame.

18 femmes ont ensuite été choisies dans le village pour faire la cuisine à leurs bourreaux, poursuit notre interlocutrice. Elles ont porté dans des sacs, les têtes et les cœurs, «sous leurs ordres, nous avons fait braiser les cœurs au charbon, puis, nettoyé les têtes-pour les débarrasser de leurs cheveux-, nous avons découpé en morceaux, les têtes tranchées des hommes. Les avons fait cuire dans le bouillon. Les cœurs ont été braisés au charbon. Ils nous ont interdit d’en manger. Ils nous ont servi de la viande de brousse. Certains éléments chargés de notre surveillance, se sont servis sous nos yeux, les autres ont emporté le repas, pour leurs grands chefs,-dont Abubakar Shekau-, dans des marmites ».

Nafissa raconte pour finir qu’elle s’est enfuie par miracle, vers 1 heure du matin au cours d’une nuit lorsqu’elle avait constaté que la garde était distraite. Plus tard, elle apprendra que son mari, avait été tué. Mais, elle n’en a toujours pas la preuve, seul indice, son téléphone ne passe plus.

Plus de 13 000 personnes ont perdu la vie dans les atrocités de Boko Haram.


Armand Ougock, Yaoundé

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KOACI