Une professionnalisation du Cadre de Commandement s’impose !
Notre pays, le Niger pour triompher des multiples obstacles auxquels il fait face, dans la mise en œuvre des différentes politiques publiques ainsi que dans l’amélioration des prestations du service public au niveau local doit se doter d’une Administration Territoriale compétente et professionnelle.
La situation et le contexte dans lesquelles évoluent les Collectivités Territoriales, sensées jouer un rôle majeur dans le processus de décentralisation devant améliorer les indicateurs du progrès social et de développement de notre pays, impose au gouvernement nigérien d’ouvrir un chantier visant à professionnaliser les fonctions de Cadre de Commandement à l’instar d’autres corps. Cette professionnalisation doit se faire à travers l’adoption d’un cadre juridique approprié conformément à l’ambition de modernisation de l’Etat et des Collectivités Territoriales, et par la nomination des cadres ayant reçu une formation dans le domaine de l’Administration Territoriale.
Force est de constater, de la conférence nationale à aujourd’hui d’énormes régressions voire même une dégradation de la qualité dans l’exercice des fonctions de Cadres de Commandement. Le respect et le prestige liés à ces fonctions de ne sont hélas aujourd’hui que d’inoubliables agréables souvenirs. Ceux qui exercent ces fonctions de nos jours éprouvent sans nul doute une admiration à cette époque pas trop lointaine où le Chef de Poste Administratif, le Sous-préfet et le Préfet étaient perçus comme le Chef de l’Etat en personne aux yeux de la population. Cette situation de dégénérescence est en grande partie liée au choix de cette option de ne pas aller vers la professionnalisation et qui tire résolument vers le bas la réputation de ces fonctions tout en leur faisant perdre du coup leur notoriété. Ainsi, le recours à cette vieille tendance qui consiste à faire appel aux enseignants, infirmiers, agents d’élevage et interprètes comme au temps de la Première République qui faute de nommer ou d’avoir une politique de formation accélérée des cadres de l’administration à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) afin d’occuper ces fonctions, se rabattait sur ses militants du rassemblement démocratique africain (RDA) peu importait leurs profils pourvu qu’il sache lire et écrire. Cette pratique à laquelle le régime d’exception du Conseil Militaire Suprême (CMS) avait mis fin par une politique plus cohérente et ambitieuse en mettant l’accent sur la nomination des cadres sortis de l’ENA avec un petit dosage de personnes issues de certaines couches socio-professionnelles pour une raison de raffermir davantage l’unité nationale.
Ainsi, cette démarche du CMS avait permis jadis aux circonscriptions administratives d’avoir à leur tête des cadres compétents, jeunes, dynamiques et prêts à relever aux côtés des populations les multiples défis auxquels ces dernières faisaient face. Ces cadres avaient beaucoup de métier du fait qu’ils avaient été formés et préparés à exercer ces fonctions, ce qui explique par ricochet le lustre qu’avait la fonction de cadre de commandement.
Par ailleurs, aujourd’hui cette propension à la nomination des enseignants, infirmiers et même des chômeurs qui ont remplacé les interprètes d’autrefois, n’est pas de nature à permettre à nos entités administratives de jouer leurs rôles surtout dans un contexte de mise en œuvre d’une politique de décentralisation intégrale qui accorde une grande importance à l’autorité qui représente l’Etat avec la défense de l’intérêt général et qui plus est, assure le contrôle de légalité sur les actes et les organes des Collectivités Territoriales.
En effet, il se pose un très sérieux problème dans le contrôle de légalité sur actes et les organes , voire le contrôle des budgets des Collectivités Territoriales du fait que les cadres de commandement d’aujourd’hui dans leur très grande majorité ou dans la quasi-totalité n’ont aucune notion de la portée de ces contrôles dans une période où les acteurs qui animent les Collectivités Territoriales naissantes ne sont pas assez bien outillés pour mieux exercer leurs fonctions à la tête de Mairies et de Conseils de Ville ou Régional dans le respect des principes et réglementation en vigueur. Une simple analyse des d’actes ou de délibérations des autorités décentralisées ou des organes, permet de se rendre compte assez aisément de l’ampleur du dégât qui n’est autre que la résultante d’une ignorance, qui à terme aura des préjudices énormes sur nos collectivités.
De plus, Il est loisible et assez fréquent d’une part, de constater que de nombreux actes de Maires ou des délibérations des organes des Collectivités pourtant jugés conformes ou « approuvés » par le représentant de l’Etat ne relèvent pas du ressort de la compétence des Collectivités Territoriales ou tout simplement sont très loin d’être conformes à la réglementation en vigueur. Il arrive même de fois que le représentant de l’Etat outrepasse ses compétences en s’immisçant au quotidien dans la gestion administrative des Collectivités Territoriales de son entité administrative. Ce qui peut être logique au vue des profils copter pour représenter l’Etat afin d’effectuer ce travail fastidieux de contrôle de légalité sur les organes et les actes des Collectivités Territoriales qui exige plus de professionnalisme. Malheureusement, cette défaillance du représentant de l’Etat est observée partout, dans toutes les entités administratives au Niger à travers le Préfet ou le Gouverneur chargé d’assurer le contrôle de légalité.
D’autre part, la Collectivité Territoriale dans une perspective d’être plus compétitive, ayant tant besoin de l’encadrement et l’assistance du représentant de l’Etat car partageant concomitamment certaines compétences avec l’Etat, se voit priver de l’appui conseil que le représentant de l’Etat se doit de lui fournir conformément aux dispositions du code général des Collectivités Territoriales en vigueur. L’appui conseil est une nécessité absolue dont nos jeunes Collectivités Territoriales ne peuvent se passer à l’heure actuelle et incite à la fois l’Etat à revoir le profil du cadre de commandement au Niger. Ainsi, dépourvu des outils pouvant lui permettre de jouer son rôle de par ses attributions à l’instar d’un ignorant, le cadre de commandement se retrouve dans l’incapacité d’apporter l’appui conseil que la Collectivité est en droit d’attendre de lui voire même dans l’incapacité d’exercer ses attributions liées à sa fonction en dehors du contrôle de légalité. Il est de notoriété publique qu’aujourd’hui, la majeure partie du temps de la durée de sa mission de cadre de commandement, est consacrée aux simples visites médiatisées dans les services déconcentrés de l’Etat afin de prouver sa dévotion à sa fonction qui est pourtant clairement définie par un décret.
En effet, le décret n°2013-035/PRN/MI/SP/D/AR du 1er février 2013 fixant les règles relatives à la déconcentration au Niger, en son article 13, énonce au sujet du Gouverneur : « le représentant de l’Etat dans la Région est le Gouverneur. Il est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans la Région. Il est représentant du Président de la République, du Premier Ministre et de chacun des Ministres. Il est le garant de la cohérence de l’action des services déconcentrés de l’Etat dans la Région. A ce titre, il fixe des orientations générales qu’il élabore avec les Préfets des Départements. Il dirige, coordonne et contrôle l’action des Préfets. » Le même décret en son article 34 stipule que : « le représentant de l’Etat dans le département est le Préfet. Il est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans le département. Sous l’autorité du Gouverneur de Région, Il est représentant du Président de la République, du Premier Ministre et de chacun des ministres. » Il est donc très clair que le poste de Cadre de Commandement porte des exigences qui n’autorise pas la nomination de personnes n’ayant pas certains profils. Le profil qui sied le plus à ces fonctions est celui de l’administrateur issu du moule de l’ENA qui le prépare à occuper ces postes pour plus d’efficience, d’efficacité et l’émergence de nos entités administratives et Collectivités Territoriales conformément à notre choix de modernisation de la gouvernance locale.
Aussi, le Président de la République, le Premier Ministre et tous les Ministres ne doivent pas être représentés au niveau local par des citoyens, en plus d’être caractérisés par une méconnaissance de ce qu’un Etat et ses institutions ainsi que leur mode de fonctionnement, excellent dans l’improvisation , des errements et le tâtonnement au quotidien dans la gestion des entités à eux confiées.
Dès lors, il est urgent de pallier cette situation assimilable à l’anarchie où les acteurs ne peuvent exercer la plénitude de leurs attributions du fait d’une carence intellectuelle déjà prévisible lors des nominations via les différents profils copter par les partis politiques ou l’alliance au pouvoir. Il revient à l’Etat de remettre de l’ordre pour pouvoir doter nos entités administratives des compétences nécessaires à leur émergence à la hauteur de nos ambitions de développement et de progrès social de nos Collectivités Territoriales et par-dessus tout celui de notre pays.
Pour cela, l’émergence de Collectivités Territoriales compétitives au Niger dépendra de la farouche volonté des Hautes autorités de notre pays à tourner le dos à cette pratique érigée en règles par tous différents les régimes qui se succèdent depuis la conférence nationale. Cette pratique en cours dans notre pays depuis l’instauration de l’ère démocratique, qui consiste à ne plus se soucier des profils pour la nomination des Cadres de Commandement. Aujourd’hui, il est plus que nécessaire qu’une véritable rupture s’impose dans le processus de désignation de nos Préfets et Gouverneurs qui doivent désormais en plus d’être jeunes, dynamiques et surtout très professionnels. D’ailleurs, la loi 2011-21 la loi 2011-21 du 08 aout 2011, déterminant la classification des emplois supérieurs de l’Etat et fixant les conditions de nomination de leurs titulaires, invitait à l’adoption du statut particulier du personnel de l’Administration Territoriale par un décret du Président de la République, qui n’est pas encore d’actualité.
Enfin, l’adoption de ce statut particulier du personnel de l’Administration Territoriale par un décret du Président de la République mettra fin à toutes les dérives et insuffisances constatées sur le terrain à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions de Cadres de Commandement mais aussi contribuera à apporter de la rigueur et de la discipline dans l’exercice d’une fonction qui a perdu ses lustres à travers l’abandon de sa professionnalisation et sa banalisation. Les Collectivités Territoriales ainsi que les représentants de l’Etat pourront dès lors exercer leurs compétences et attributions sans aucune collusion de prérogatives par méconnaissance. Nos Collectivités territoriales encore fragiles pourront désormais jouir de cette assistance ainsi que l’appui conseil indispensable à leur bon fonctionnement et épanouissement.
Soumaila ABDOU SADOU
Titulaire d’un diplôme de 3ème cycle
Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) de Niamey - Niger
Commentaires